Trigger warning : les livres dont je vais discuter ici peuvent parler de violences sexuelles et physiques ou psychologiques, ainsi que de suicide. Mieux vaut le savoir avant de continuer.

J’ai déjà raconté à quel point la lecture est une compagne précieuse dans ma vie, qui m’accompagne dans les moments de mélancolie et m’aide à avancer. Les livres me construisent, me bousculent, me bercent.

Cependant, depuis que j’écris à mon petit niveau, j’ai remarqué que ce rapport s’était légèrement modifié : je m’arrête pour apprécier une tournure de phrase ou bien interroger la structure. Je peux aussi continuer un bouquin juste pour comprendre pourquoi il me chiffonne alors que tous les ingrédients sont présents. Par exemple, un space opera avec un personnage féminin et lesbien provenant d’un univers japonisant et en supplément écrit avec des phrases finement forgées, ça vend du rêve, non ? Oui, mais quand l’héroïne reste passive tout du long à un point où on ne comprend même pas ses choix radicaux (comme quitter sa planète sans possibilité de retour), eh bien, c’est ennuyant.

Alors, que retenir de mes lectures de 2021 ?

Notes : les limites de cet exercice sont exactement les mêmes que le précédent.


Quelques statistiques

Sur les 145 livres lus, les bandes dessinées en représentent la moitié. Il s’agit d’une sacrée différence par rapport à 2020.

Livres par type

En fait, j’ai très fortement limité l’utilisation de plateformes de vidéos à la demande, entre autres pour limiter mon impact écologique (les petits pas, toussa) et boycotter Amazon. Depuis, je visite très souvent à la bibliothèque de mon quartier pour récupérer des DVDs. J’en profite en général pour piocher dans les bandes dessinées et les comics, afin de découvrir des séries que je n’achèterai pas.

Typiquement, les histoires de Batman. Oui, je suis fan de l’univers Batman qui, bon, je ne vais pas mentir, représente le contraire de mes valeurs. Je ne suis pas à une contradiction près.

Et, c’est là où le bât blesse : la plupart des comics est écrit par des hommes.

Par conséquent, sur les 72 BDs lues, seul un tiers a été écrit et dessiné par uniquement des femmes et un cinquième par un groupe avec au moins une femme.

Si je me restreins aux comics de super-héro-ïne-s, une seule série sur onze compte une femme parmi les artistes l’ayant réalisée. Même ceux dont le personnage principal est une femme sont écrits par des hommes.

Un peu comme si tout le monde avait compris qu’il fallait augmenter les types de représentations et sortir des stéréotypes (mais vu la sexualisation des corps féminins, il y a encore du boulot…) mais aller jusqu’à permettre à des femmes de gagner de la thune avec leur art, alors là…

Je suis peut-être un peu cynique.

Côté romans et nouvelles, la très grande majorité (83%) a été écrit par des femmes. Sans surprise, l’imaginaire est le genre le plus représenté. Peut-être qu’affiner les catégories pourrait être intéressant par pure curiosité (et procrastination), mais ce poseront forcément les questions de la pertinence et de la catégorisation sans fin. Les frontières entre les genres sont poreuses : un policier peut se dérouler dans un environnement de fantasy, une histoire de science-fiction peut filtrer avec la fantasy ou le fantastique. Et même au sein de chaque famille, les sous-genres sont nombreux et difficilement définissables de façon précise. Jute pour la science-fiction, j’ai pu lire du space opera ainsi que du planet-opera, du post-apocalyptique, du steam punk, de l’uchronie…

La moitié des essais que j’ai lu provient de plumes de femmes. Surtout des livres sur le féminisme, mais une part non négligeable sur l’anarchisme. Par contre, l’antiracisme semble être un angle mort. Certains des essais ont des points de vue intersectionnels, mais aucun ne partait d’un point de vue antiraciste.

Essais par type

Au final, en terme de genre des auteurices, plus de la moitié d’entre elleux sont des femmes :

Genre des auteurices

Et en terme de représentation ?

Surtout des femmes (46%) et des groupes avec au moins une femme (19%), hétéras (à 77%) et blanches (60%), même si le nombre de personnages de couleur représente un quart des personnages principaux.

En résumé, pas d’évolution sous le soleil par rapport à 2020.

Mes coups de cœur parmi les coups de cœur

Romans/nouvelles

Les voleurs de curiosités de Jess Kidd

Couverture des voleurs de curiosités

Dans la librairie où je l’ai acheté, ce livre était exposé sur la table des policiers. Pour moi, il relève plus du fantastique mais, en soi, ce n’est guère important. Un exemple du mélange des genres dont je parlait plus haut. C’est l’histoire d’une détective privée, aidée d’un boxeur fantôme, qui enquête sur la disparition d’une petite fille un peu étrange, dans l’Angleterre du milieu du XIXeme siècle. Les personnages sont hyper attachants, les descriptions londoniennes sont vivantes et la narration est prenante.

En plus, il y a un petit côté lutte des classes, où les riches font ce qu’ils veulent car ils sont riches, et une histoire d’amour impossible (mais hétéro).

Point d’attention, la personnage principale est victime d’un viol.

After® d’Auriane Velten

Couverture de After®

Après la catastrophe, quelques humains ont survécu. Iels ont construit une société bienveillante et égalitaire mais stricte, où le Dogme régit le groupe en mettant l’accent sur l’humilité. Cami est curieuse et veut comprendre, quitte à remettre en question les règles tacites. Sous la surveillance de Paule, qui suit rigoureusement le Dogme, iel va entreprendre une mission d’exploration pour étudier l’avant catastrophe.

After® questionne nos utopies, et la notion même d’humanité. Comment continuer malgré nos erreurs ? Comment construire une société juste ?

Bref, un livre post-apo qui interroge et fait du bien. Ça change des zombies 🙂

Melmoth furieux de Sabrina Calvo

Couverture de Melmoth furieux

J’ai mis du temps à savoir si j’aimais ou non la plume de Sabrina Calvo. Elle m’intriguait, me questionnait, me bouleversait des fois, mais le côté ésotérique me rebutait un peu.

Et puis j’ai lu Melmoth furieux.

La lecture a été difficile, mais l’alchimie peut mettre du temps, un peu comme en amour. Melmoth furieux, c’est l’histoire d’une commune à Belleville (comme la Commune de Paris) et celle d’une couturière, Fi, qui veut détruire Eurodisney et le capitalisme qui entrave nos vies. L’écriture est poétique. Il y a de la rage et de la beauté. J’ai aimé Fi, paumée et libre, en colère et amoureuse.

Le fin tourne au fantastique bizarre, mais, je ne sais pas pourquoi, cette fois-ci, ça a fonctionné.

Bandes dessinées

L’âge d’or de Cyril Pedrosa et de Roxanne Moreil

Couverture du tome 1 et 2 de l’âge d’or

Dans un univers médiéval fantasy, une princesse prend les armes pour récupérer le trône que son frère lui a volé. Au même moment, la révolte gronde, pour construire un monde égalitaire…

Ces livres nous parlent de rapports de pouvoir, de révolution et d’utopie. En plus, les dessins et la mise en page sont magnifiques.

La série en deux tomes est assez conséquente et assez chère. A vos bibliothèques de quartier 🙂

Monstress de Marjorie Liu et Sana takeda

Couverture du tome 1 de Monstress

Monstress est un comic de fantasy. Après une guerre entre humains et arcaniques ayant fait des centaines de milliers de mort-e-s, on y suit Maika demi-loup, une arcanique liée à un dieu ancien à la faim terrifiante. Elle recherche de réponses sur la mort de sa mère. Maika est un personnage tout sauf manichéen, mais auquel on s’attache. Sa quête de réponses risque de faire de nouveau basculer le monde.

C’est brutal, complexe, beau. Une série à suivre.

Autopsie des échos dans ma tête de Freaks

Couverture d’autopsie des échos dans ma tête

Freaks raconte sa folie, la décortique, l’autopsie, ce qui nous permet à nous, lecteurices, de mieux la comprendre. Elle explique aussi l’handiphobie et les violences institutionnelles à l’encontre des personnes folles.

Je connais très peu les luttes anti-psychiatriques. J’ai trouvé que cette bande dessinée était une belle porte d’entrée sur ce thème.

Par contre, des passages peuvent être difficiles, car ils abordent le suicide, les mutilations, les violences conjugales…

Essais

Autant les coups de cœur parmi les coups de cœurs des romans et des bandes dessinées ont été facilement identifiés, autant il m’a été plus difficile de restreindre les essais à 3 livres. Voici au final ceux qui m’ont le plus marquée.

Les luttes et les rêves, une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, de Michelle Zancarini-Fournel

Couverture des luttes et des rêves

Cette bible raconte l’histoire de la France vu du bas et de la périphérie : une histoire populaire partant de la mise en place du code noir jusqu’au début du XXIe siècle et les révoltes de 2005, qui prend en compte les territoires d’outre-mer et les campagnes.

C’est une œuvre salutaire, qui met en avant les luttes anticolonialistes, antiracistes, féministes et anticapitalistes qui ont traversé la France, sans cacher les lignes de division au sein des classes populaires.

Le livre est inspirant et fait réfléchir. Un beau livre d’histoire.

Danser au bord du monde d’Ursula Le Guin

Couverture de danser au bord du monde

Ce livre recueille plusieurs textes et interventions d’Ursula Le Guin sur l’écriture, la science-fiction, les voyages et le féminisme.

Que dire de plus ?

La grande arnaque, sexualité des femmes et échanges économico-sexuels

Couverture de la grande arnaque

Paola Tabet est une anthopologue féministe. Dans cet essai, elle se penche sur la prostitution et sur les échanges sexuels entre les hommes et les femmes.

Souvent, on va considérer la prostitution comme une organisation à part de notre société. Elle rappelle ici l’historicité de la définition de prostitution et son intégration dans les modalités plus globales de la sexualité hétéro-patriarcale, où le sexe des femmes est considéré comme un service à destination des hommes, sexe féminin contre compensation. Le désir des femmes est ainsi nié et les femmes sont elles-même réduites à des objets.

Bref, une mise à l’endroit salutaire, mais qui peut faire mal.

Attention, beaucoup de violences sexuelles sont présentes dans cet essai. La lecture m’a été assez difficile. J’en suis sortie avec une colère brûlante et une envie de tout renverser.

Coups de cœur à part

Un peu inclassable, j’aimerai faire un pas de côté pour présenter deux autres livres qui m’ont marqué en 2021.

Naissances lesbiennes par Osez le Féminisme !

Couverture de naissances lesbiennes

Naissances lesbiennes est un recueil de témoignages de femmes sur leur parcours de lesbiennes. Certaines ont toujours su, d’autres l’ont compris tardivement et d’autres encore ont choisi de ne relationner qu’avec des hommes.

Ces parcours multiples questionnent, bousculent, font échos. Je conseille à tout le monde la lecture de ces morceaux de vie, que vous soyez hétéras, bies, lesbiennes, autres.

Par contre, certains témoignages peuvent être violents ou peuvent raviver des blessures, notamment si vous êtes concernées.

Je serai le feu de Diglee

Couverture de je serai le feu

Diglee a fait un magnifique travail de matrimoine avec cette anthologie mettant en lumière de 50 poétesses.

Le livre en lui-même est sublime, avec pour chaque autrice une illustration de Diglee ainsi que des poèmes dans une très belle graphie. Certains m’ont touché et ont résonné en moi. Cela me donne envie de découvrir d’autres poèmes et d’autres plumes.


Je suis curieuse de vos coups de cœurs 2021, n’hésitez à mettre des suggestions en commentaires.

Bonne lecture.

Pour aller plus loin