Cette année est une année de pause, volontaire cette fois-ci. Erreur minime au travail. Sentiment d’échec, d’être incapable. Crise, fébrilité et paf démission. Aussi rapide que ça. Je me rappelle exactement à quel moment ma décision était prise : quand j’ai claqué la porte de la voiture derrière moi après la visite du nouvel an chez ma grand-mère. C’est l’avantage d’être cadre : je peux me permettre de ne pas recevoir de salaire pendant plusieurs mois.
Étiquette : militantisme
J’ai écrit une première version de ce texte.
J’ai attendu.
Puis j’ai relu.
J’ai compris que je n’étais par Audre Lorde.
J’ai tout effacé et réécrit.
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Voilà, j’ai développé un trouble bipolaire. J’écris « développé » car je n’avais jamais fait de crise (hypo)-maniaque avant noël 2022. Des dépressions se sont suivies à la queuleuleu depuis ma fin d’adolescence, sans phase intense de speed.
Le point positif de tout ça est d’enfin savoir pourquoi je me sens mal depuis des années. Ce n’était pas que dans ma tête. Fin si. Fin on se comprend. Comme certaines personnes le racontent, poser un diagnostic m’a permis d’avoir l’impression de pouvoir maîtriser ce trouble. Pas guérir, non. Vivre avec.
Et donc je suis folle. Bien sûr, je m’en doutais un peu. Vivre dépression sur dépression déclenchées par des causes plutôt minimes indique que quelque chose déconne un peu dans son cerveau.
Folle par cycle.
Folle à vouloir en crever pour avoir l’impression de ne pas arriver à *performer* au travail.
Folle à vouloir se laisser entraîner dans une danse folle folle folle à tournoyer rire jongler courir chanter danser aimer.
Ou peut-être que la folie vient de ce monde qui crée des cassures dans les gens ? Concrètement, le capitalisme, le sexisme, le racisme sont des terreaux fertiles pour, si ce n’est les éviter, aggraver les folies, les rendre (plus) difficiles à vivre.
Par exemple, comment ne pas être dépressive quand on vit dans une chambre de douze m² avec un néon grésillant au plafond et des pâtes au fromage à manger pour les deux prochaines semaines ? Ou quand on se retrouve seule à gérer un bébé qui nous réveille toutes les deux heures ? Comment ne pas être stressée dans un monde où priment libéralisme et de productivité ? Ou quand on ne sait pas si son fils reviendra vivant d’un contrôle de police ?
La fin des systèmes de domination est une nécessité.
Mes troubles sont la toile de fond de toute mon année 2023, avec cinq mois d’arrêts, trois dépressions, une crise suicidaire et une manie.
Je m’en sors bien.
Forcément, mon implication dans les milieux militants en a pâti. Comme je le dis souvent, quand on est mal, on milite mal. Du moins de ce que j’ai observé de ma longue (lol) expérience militante.
J’ai donc passé en arrêt une bonne partie de la lutte contre la réforme des retraites. La conclusion de ces six mois de combat et de ces millions de manifestant·es ? Que, malgré une mobilisation extraordinaire, la grève a été peu suivie. Et c’est la grève qui fait plier les patrons. En ça, l’auto-organisation entre collègues est nécessaire pour créer un rapport de force contre les patrons et toustes celleux qui nous écrasent et préparer une société sans capitalisme. En bref, rejoindre les syndicats. Sur le côté révolutionnaire du syndicat, ce n’est pas moi qui le dit mais la Charte d’Amiens, dont se réclament la CGT, Solidaires, la CNT…
J’ai participé en pointillé au groupe anarchiste dans lequel je milite, prise entre déceptions et syndrome de l’imposteure. Il paraît que mon avis est biaisé, donc j’attends de voir. J’ai envie d’apprendre, de lutter, de créer. De féminisme, aussi.
Mon premier arrêt a été une période féconde, avec de nombreuses nouvelles écrites, qui attendent sagement dans leur dossier que je les reprenne. Un jour, peut-être. Une plus ancienne a été sélectionné finaliste par un concours sur le fantastique et un poème par un concours sur le thème de la frontière. J’ai les deux recueils dans ma bibliothèque pour me prouver à moi-même que, oui, j’y suis arrivée.
Les six derniers de l’année ont été mois évidents. La dépression, le trou gris d’eau boueuse dans lequel on se noie, rend difficile la création.
Grâce au challenge de l’Imaginaire (pour s’inscrire à l’édition 2024, c’est ici), je me suis astreinte à rédiger (un peu à l’arrache, je l’avoue) des critiques de livres de façon régulière. Je pense que ce sera l’activité principale du blog car je souhaite diriger mon temps d’écriture à mes textes. Je travaille actuellement sur une romance un poil clichée, mon shojo comme je l’appelle. Ce roman sera un de mes objectifs de cette année (et de celle d’après probablement).
Le blog a plutôt bien fonctionné cette année, en particulier de vieux posts. Les trois articles les plus vus sont :
- Slogans contre les violences policières et la loi “Sécurité globale”
- Questions trans : Femmes, utérus et lieux non mixtes (en relisant, je pense que je n’aurai pas écrit certaines choses de cette façon. Ça doit être l’expérience de l’âge)
- Nef, anthroposophie et écolo-ésotorisme
En fait, je triche. L’article le plus vu de cette est celui annonçant la pause estivale du blog. J’en conclus que les robots aiment la montagne.
Une autre conséquence de ma dépression estivale est l’échec de mon mini jardin de balcon qui n’a pas donné grand chose, coincé entre une invasion d’araignées rouges (encore elles…) et mon incapacité à m’en occuper correctement. Malgré tout, certaines plantes ont plutôt bien résisté : piment, belle de nuit, ipomée, bourrache, basilics, ma fidèle ciboulette, thym et capucines. Je vais essayé d’adapter mes semis en fonction de ce retour d’expérience. Et puis j’ai envie de fleurs. Étonnamment, mon jasmin étoilé est un peu reparti, ce qui m’a permis de faire le deuil de mon chèvre-feuil qui me suivait depuis sept ans.
Comme l’année dernière, j’ai beaucoup marché, entre un séjour à Briançon et mon périple cévenol. J’aime marcher. En fonction de son envie, ces randonnées courtes ou non peuvent être des moments de dépassement de soi, de partage, d’ouverture à la beauté, de communion avec soi-même et de créativité.
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Marchant funambule
Sur la crête d’une dune
Un pas après l’autre
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Ne jamais oublier la beauté d’un coucher de soleil, la main chaude d’un·e amant·e, l’odeur d’une fleur ouverte, une musique qui vous entraîne.
Que votre année 2024 soit belle.
J’ai un aveu à faire : je suis une mauvaise militante.
Dans cet article, je rappelais que pour être un bon allié féministe il fallait en premier lieu arrêter d’agresser des femmes (et maintenant, j’ajouterai les autres minorités de genre).
Comme je suis gentille, voilà un deuxième conseil pour être un bon allié féministe : arrêtez de soutenir vos potes agresseurs dans leur stratégie d’agresseur.
Pour de vrai.
Arrêtez de lui trouvez des excuses.
Arrêtez de le plaindre.
Arrêtez de vous référer à sa santé mentale déclinante depuis que sa victime a trouvé le courage de sauver sa vie à elle.
Arrêtez de vouloir le réintégrer dans les cercles sociaux qui l’ont chassé.
Arrêtez de vous référer à ce type devant ses victimes.
En bref, arrêtez de préférer la douce garantie d’un cercle social solidaro-viriliste à la vie de femmes et de minorités de genre qui ont été bousillées.
Si vous ne stoppez pas votre solidarité viriliste envers les agresseurs qui vous sont proches, vous faites partie du problème.
Je ne dis pas que c’est facile. Je dis juste que c’est nécessaire.
Oh, vous pouvez remplacer « pote » par membre de votre famille. Ça marche aussi.
Post-scriptum :
A force de croiser des personnes très au fait des théories féministes mais qui l’utilisent pour tisser leur emprise sur des femmes ou qui ne voient pas l’incohérence à soutenir des agresseurs plutôt que leurs victimes, j’aimerai rappeler ce qu’écrivaient Paola Tabet et Nicole-Claude Mathieu quarante ans auparavant: le patriarcat s’appuie (entre autres) sur l’ignorance des femmes et autres minorités de genre sur comment les hommes imposent leur domination. Les théories féministes permettent aux femmes et autres minorités de genre de comprendre les mécanismes du patriarcat et de s’armer contre. Les dominants n’en ont pas besoin. Beaucoup savent très bien comment ça marche.
Pour aller plus loin
- La stratégie des agresseurs (article), par Osez le Féminisme :
- Céder n’est pas consentir (article), de Nicole-Claude Mathieu, sur Infokiosques
- Les doigts coupés (livre), de Paola Tabet (attention, il contient des descriptions de violences physiques, sexuelles et psychologiques)
Trigger warning : les livres dont je vais discuter ici peuvent parler de violences sexuelles et physiques ou psychologiques, ainsi que de suicide. Mieux vaut le savoir avant de continuer.
J’ai déjà raconté à quel point la lecture est une compagne précieuse dans ma vie, qui m’accompagne dans les moments de mélancolie et m’aide à avancer. Les livres me construisent, me bousculent, me bercent.
Le temps est pareil à une brume argentée : insaisissable, il rend les événements ouatés et lointains. On ne voit rien à plus d’un mètre, alors on avance, un pas devant l’autre. Et puis un jour, le voile se lève et on découvre, étonnée, toute la distance parcourue.
Alors, que dire de 2021 ?
La partie 1 se trouve ici. Ici, on parlera de luttes.
Déjà, arrêtez d’agresser et de violer.
Vous pourriez être un type sympa, qui connaît sur le bout des doigts ses privilèges et les mécanismes de domination.
Vous pourriez être engagé dans une association féministe.
Vous pourriez être un grand défenseur de vos camarades femmes dans votre organisation ou dans votre entreprise.
Vous pourriez écrire des bouquins sur le patriarcat ou être un spécialiste reconnu dans les études de genre.
Si vous agressez et violez des femmes, même une, et même si elle a eu un jour envie de faire l’amour avec vous, vous êtes un agresseur qui profite de sa position sociale pour avoir le beurre (le capital sympathie dans les milieux progressistes) et l’argent du beurre (le droit de considérer les autres comme des objets à votre guise).
Ne violez pas et n’agressez pas.
C’est la base.
Après, on pourra discuter du reste.
On a vu dans l’article précédent à quoi correspondait le terme « burn-out », et la responsabilité de l’organisation du travail (et donc de l’entreprise pour le travail salarié) dans la venue du burn-out.
Ok, et maintenant, que faire si on est en burn-out ?
C’est étrange comme le temps passe vite. Les collines se couvraient d’or et les feuilles rougeoyantes virevoltaient d’ans l’air, mais, quelques jours après, l’été et son soleil de plomb ses averses s’installent déjà et les bourdons butinent mes pieds de tomates. Oh, les canicules n’ont pas encore recouvert la ville de leur manteau suffocant, mais cela ne devrait plus tardé.
C’était hier. Comme tous les matins, je me suis levée, j’ai pris ma douche, j’ai bu mon thé et j’ai allumé mon PC. Sauf que cette fois-ci, j’ai paramétré une réponse automatique sur ma boite mail professionnelle pour deux semaines, j’ai éteint mon ordinateur, je me suis allongée sur mon canapé – à côté de mon chat – et j’ai pleuré.
Deux semaines, qui sont devenues trois puis cinq.
Burn-out.