Cette année est une année de pause, volontaire cette fois-ci. Erreur minime au travail. Sentiment d’échec, d’être incapable. Crise, fébrilité et paf démission. Aussi rapide que ça. Je me rappelle exactement à quel moment ma décision était prise : quand j’ai claqué la porte de la voiture derrière moi après la visite du nouvel an chez ma grand-mère. C’est l’avantage d’être cadre : je peux me permettre de ne pas recevoir de salaire pendant plusieurs mois.
Donc, une année en pause, à ne rien faire : écrire, marcher un peu et… osciller.
La vie politique était chargée, entre le barrage ici et le génocide là-bas. Pourtant mon implication a été assez faible, avec une impression que tout glissait autour de moi. Sans syndicat ou autre organisation, face aux fascismes, l’impact sur le réel me semble faible, d’autant plus que je me suis mise en retrait pour tenter de stabiliser mon humeur, qui a tendance à vriller au contact des personnes (problème de sociabilité toussa toussa).
Après m’être impliquée dans les Négociations Annuelles Obligatoires, qui a fonctionné chez les cadres mais pas chez les ouvrier-es et ETAMs – des leçons devraient en être tirées, notamment sur l’organisation syndicale – ma participation militante s’est limitée à quatre tractages antifascistes, 2 actions Boycott Désinvestissement Sanction (BDS), plusieurs dizaines de manifestations et rassemblements, une balade autour d’une méga-bassine et beaucoup de râlages. Bon, peut-être pas si limité que ça mais regarder mes camarades réaliser le travail de mis en mouvement me culpabilise un poil (Tiens tiens, ne serait-ce pas du validisme intégré ?). La dépression bimensuelle et les crises de panique n’ont pas beaucoup aidé à me sentir légitime.
Dans l’entreprise où je suis actuellement, la question syndicale se pose. Les salaires sont tellement indécents que le faible montant de tickets restaurants n’a pas beaucoup d’impact côté cadre (par contre, en a chez les ETAM) . Les burn-out, l’harcèlement moral ou sexuel, les discriminations ont par contre toute leur place et même si l’argent aide à s’en sortir, la santé reste bousillée. Au passage, les propositions de limiter les salaires dans une entreprise de 1 à 4 me font doucement rire. La différence est énorme entre 1500 euros et 6000 euros, où le premier salaire rend difficile les courses pour une personne et ses enfants alors que l’autre permet de partir à l’autre bout du monde sur un coup de tête (et émettre plein de CO2 au passage). Cependant, tant que ma période d’essai n’est pas validé – si elle l’est, je préfère faire profil bas.
Petit à petit, j’apprends à vivre avec la peur de la crise au-dessus de ma tête. Je tâte le terrain du bout du pied et recule au moindre brin d’herbe plié. Et si j’étais arrêtée pendant ma période d’essai ? Et si je disais des horreurs à mes proches ? Et si je me faisais du mal ? Et si je me retrouvais en cellule d’isolement à l’hôpital ? Et si…
Un changement de dosage médicamenteux fin d’année me permet pour le moment d’être plus ou moins stable mais avec cette traîtresse d’hypomanie en embuscade. Au passage, c’est amusant de noter que ma psychiatre a l’air de moins bien se renseigner que moi sur les différentes pilules et je dois par moi-même lancer les analyses pour surveiller tous les risques liés à ces cachets. C’est d’ailleurs une constante chez les personnes ayant des problèmes de santé : devoir elles-même chercher les potentielles causes, apprendre de leur maladie et pousser aux analyses nécessaires. Ma dépendance vis-à-vis de l’homme avec qui je vis me pèse et je vois à quel point il est facile de perdre la confiance dans ses propres choix et cela m’inquiète et m’attriste.
La peur des crises impacte l’écriture car la mise en place d’une routine pour écrire doit s’intégrer dans celle que j’essaye de mettre en place pour stabiliser mon humeur et je n’arrive pas encore à tout combiner de façon satisfaisante. J’ai fini dans le sang et la sueur mon « shojo » qui restera au chaud le temps de maturer. Un autre roman est en cours, mais après un départ sur les chapeaux de roue je m’enfonce dans la procrastination avec un rythme d’écriture dissolu. Probablement que quelque chose coince et que je ne souhaite pas le regarder en face.
Le blog, lui, continue de vivre sa vie, alimenté par les derniers chapitres des rêves de l’Arcadie (que j’ai envie de reprendre de fond en comble) et surtout par des critiques, pas hyper bien écrites je l’avoue, de romans de SFFs avec de temps en temps une fulgurance politique. Le challenge de l’Imaginaire m’a permis de conserver un rythme et une pratique d’écriture, mais je ne suis pas certaine de continuer. J’aimerai écrire des articles plus travaillés, à voir si tout se goupille bien entre le travail, les crises bipolaires et l’écriture. La publication d’articles risque donc d’être plus erratique.
Si je ne prends pas en compte la magnifique photo de vacances de 2023, toujours adorée par les robots en manque de montagnes, les articles ayant le plus marché cette année sont le bilan de l’année 2020, un chapitre du roman « les rêves de l’Arcadie » et la critique du livre La sphère d’Alexiane de Lys.
Niveau jardinage, la récolte a été faible. Parmi les légumes -fruits, les 6 plants de tomates ont été ravagés, la coriandre n’a jamais prise, mes plants de dahlia nain et d’œillets du poète n’ont donné qu’une fleur chacun.
Pire, mes pousses de lavande sont mortes asséchées, ma menthe végète, mes pousses de fraises ont fondues et mettre mes plants de basilic dans une jardinière et sans réserve d’eau n’étaient clairement pas la meilleure idée.
Voyons aussi les choses positives : mes pieds de piment et de poivron ont survécu aux araignées rouges, mon ipomée comme mes belles de nuits étaient très belles et la floraison de la sauge est quasiment ininterrompue. Mon jasmin étoilé a repris du poil de la bête, le plant de liane que j’ai planté en remplacement de mon chèvrefeuille malade a l’air de se plaire dans son pot et mon bonsaï n’a pas bougé. Un bégonia aussi rejoint mon salon. Mon camélia demande par contre de la surveillance, les racines n’ont pas l’air d’avoir prise après son rempotage.
Pour l’année prochaine, je persévère : ce sera plants de poivrons nains, nouveaux tests de lavande et de coriandre, thym et sarriette, bourrache et probablement tournesols. Et surtout, je changerai la terre de mes pots, en espérant trouver autre chose que du terreau, la tourbe mettant plusieurs milliers d’années à se former.
Pour finir, je ne peux pas ne pas passer à côté d’une toquade qui s’est transformé en quelque chose de plus profond : la révolution iranienne. Un essai m’a complètement ouvert les yeux sur un événement important de ces dernières années que j’avais complètement occulté : une révolution se passait sous nos yeux et les femmes en étaient le fer de lance. J’ai commencé à engloutir les informations les unes après les autres : les podcasts, les livres de la bibliothèque municipale, les articles de presse, les romans, les livres historiques et essais… j’ai même réussi à convertir la personne avec qui je vis à la cuisine iranienne.
En fait, je pense que nous avons beaucoup à apprendre des révolutionnaires de tout temps et de toute époque mais que notre regard euro-centré nous cache la beauté et la force des luttes des personnes qui se battent pour la dignité et la liberté, hors de l’occident (voire contre). Et plus j’apprends, et plus je me rends compte que d’autres événements aussi importants ont été réduits à des images humanitaires : la révolution syrienne, celle au Soudan ou en Bangladesh… et toutes les révoltes partout dans le monde – écologiques, féministes, contre le fascisme…
Je ne sais pas si nous traversons des périodes révolutionnaires internationales comme nous avons pu le connaître dans le passé, mais à nous d’être caisse de résonance de ces mouvements révolutionnaires, de diffuser leur voix et espoirs, d’aider au mieux concrètement leurs combats, d’apprendre et d’échanger.
La lutte est un marathon et rien n’est jamais joué d’avance. C’est une des leçons à retenir.
Je vous souhaite une année de beauté et de luttes collectives.
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