Retours de Cévennes

Cette moitié d’année a été compliquée. Je ne suis même pas certaine que « compliquée » soit le bon terme. Une moitié d’années à tâtonner dans la brume à chercher un chemin qui se dérobe sous mes pas. Une moitié d’année dont la quasi totalité s’est déroulée en arrêt de travail. Une estime de soi en-dessous des pâquerettes, un sentiment de honte qui colle aux chaussures, une mélancolie cachée dans chaque recoin.

Parfait pour partir plusieurs jours en sac à dos, n’est-ce pas ?

Initialement, je visais un séjour en Bretagne. J’avais été tellement subjuguée par mon précédent voyage que je voulais de nouveau toucher à la beauté de la mer scintillante. Mais je m’y suis prise tard, reculant l’échéance à chaque fois. Il me manquait un hébergement pour un soir. Un seul soir.

J’aurai pu dormir en bivouac, mais la terre étant rocailleuse, comment aurais-je pu planter mes sardines nécessaires pour monter ma tente ? Ou peut-être avais-je juste peur de passer une nuit loin de la sécurité d’un camping ? Dans tous les cas, j’ai dû abandonner la Bretagne.

Que faire alors ?

J’étais prête à tout lâcher.

Et là, la personne qui me fait tenir le cap m’a dit : « Et si tu retournais dans les Cévennes ? ». J’ai tapé dans un moteur de recherche « GR Cévennes » et je suis tombée sur le chemin de Regordane. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Aucune idée. Il y a des choix que l’on ne maîtrise pas toujours.

Bref, après un bidouillage de construction de trajet (je passe ces étapes), j’avais mon tracé :

  • Langogne > Luc : 16 km
  • Luc > La Bastide PuyLaurent : 15 km
  • La Bastide Puylaurent > Villefort : 23 km
  • Villerort > Génolhac : 13 km

D’abord, parlons du matériel emporté, qui essayait de prendre en compte les fortes chaleurs prévues en cette fin de mois d’août :

  • Sac à dos 50L+10L
  • Tente de bivouac pour une personne
  • Drap de sac « momie » en coton
  • Matelas de sol
  • 1 paire de bâtons
  • Brosse à dent, dentifrice, petit flacon de gel douche
  • Serviette microfibre
  • Polaire
  • Veste de pluie
  • Tour de cou
  • 2 t-shirt
  • 2 culottes et 1 brassière en laine de mérinos
  • 1 T-shirt pyjama
  • 1 pantalon et 1 short
  • 1 maillot de bain
  • 2 paires de chaussettes de marche
  • 1 paire de chaussures de marche
  • Chapeau, lunettes de soleil et crème solaire
  • 1 popote, 1 gaz, 1 brûleur, 2 briquets, 1 couteau-suisse
  • 1 gourde de 750 mL et 1 bouteille de 1,25L
  • 4 paquets de nouilles instantanées
  • Plein de gâteaux
  • Ficelle, pinces à linge, lacets
  • Frontale
  • Portable avec GPS et carte, chargeur et batterie
  • Médicaments
  • Trousse de secours
  • Sacs poubelles
  • 1 lacrymo
  • Sacoche avec portefeuille
  • 2 livres de poche

Plusieurs choix se sont montrés mauvais à l’usage. Déjà, le sac « momie » n’était pas assez chaud pour les 1eres étapes (Langogne, Luc, La Bastide-PuyLaurent), qui se situent à près de 1000m d’altitude, où les nuits restaient fraîches malgré des journées à plus de 30°C. Ensuite, j’aurai dû prendre des tongs, mes pieds m’en ont beaucoup voulu de ne pas pouvoir être libérés après de longues heures de marche. Et dernièrement, j’avais pris trop de nourriture. Vu les étapes, j’aurai pu en prendre moins et me ravitailler à chaque village. A tout cela, ajouter un sac à dos pour homme mal réglé et on obtient des épaules douloureuses en fin de journée. Très désagréable.

La première étape a été difficile. Non pas en technicité, mais en introspection. J’avais fait deux crises de panique avant de prendre le train et je me sentais hors sol. Pourtant, Langogne possède un joli centre ancien et une très belle église. J’y ai croisé des scouts de France qui chantaient dans le transept et une autre qui a fait une génuflexion en entrant dans l’église (très dynamique la génuflexion, pas certaine que j’arrive à m’agenouiller et me relever aussi rapidement que cette fille…). Venant d’une région peu religieuse, j’ai été étonnée par autant d’étalage de foi. Les premiers paysages étaient très mi-montagnes : des champs dorés qui ondulent au soleil, de belles vaches tachetées et des forêts ombragées.

Photo d'une route au milieu de champs dorés, avec un ciel bleu

J’ai réussi à en profiter pleinement qu’à partir du deuxième jour, que j’ai rallongé de deux-trois kilomètres pour visiter un monastère perdu au milieu de la forêt, après quelques montées en plein soleil. J’ai un un retour assez mitigé sur ce monastère. Un peu déçue par les bâtiments, récents et sans particularités. J’ai recroisé des bus entiers de scouts de France, dont la bénédicité résonnait à l’extérieur de leur cantine (que l’on ne vienne pas me dire que ceux-ci sont ouvert·e·s à toutes religions…). J’ai voulu visité l’église principale, mais j’ai atterri en pleine office, avec chants de sœurs et dévotions de catholiques bourgeois. J’y suis retournée après la liturgie… Je ne suis pas restée longtemps ; je cognais les bancs en bois avec mes bâtons accrochés à mon sac alors qu’un homme était en plein adoration…. Bref, un peu la loose. Cependant, j’ai pu profiter des forêts calmes et silencieuses.

La troisième étape a été la plus belle. J’ai failli la faire en train car j’avais peur de la distance avec mes épaules endolories. Au final, par un concours de circonstances, j’ai pu gagner 7kms grâce à un raccourci aux petits oignons. Une longue descente mêlant forêts, bocages aux haies de mûres juteuses, ravins rocailleux et profonds, vestiges et villages médiévaux avec leur donjon dressé vers le ciel brûlant de l’été, et puis le lac bleu sous l’orage… L’étape se terminait dans un joli village et j’ai pu tremper mes pieds dans la piscine du camping. J’ai fini ma journée en mangeant dans un très bon restaurant bien mérité (le fondant aux marrons <3). Une magnifique traversée.

Photo d'un lac bleu en croissant de lune, aux berges de colline. Le ciel est nuageux limite orageux

La quatrième étape a été belle autrement. Quelques beaux villages traversés malgré les nombreux passages sur béton, une belle église avec son clocher-mur, mais surtout des rencontres humaines qui ont modifié ma façon de vivre la randonnée. Même si j’aime beaucoup la solitude, il est aussi agréable de marcher un bout de chemin avec des inconnu·e·s que l’on ne recroisera pas. J’ai fini la journée à lire au bord de la rivière, percluse de courbatures et des ampoules aux pieds.

Photo d'une église avec les cloches visibles et protégées par un sorte de mur droit à colonnes. Le ciel est bleu. Un arbre est planté à côté de l'église

En bref, une randonnée en sac à dos qui m’a confirmé dans ma capacité à faire, ce que dont j’avais bien besoin en ce moment. J’ai déjà envie de repartir, re-goûter à ce dépassement de soi mais, probablement, sur un parcours plus long.

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  1. @Liza Ne jamais sous-estimer les bienfaits de la marche en solitaire avec sa maison sur le dos.Merci pour ce récit !

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