On a vu dans l’article précédent à quoi correspondait le terme « burn-out », et la responsabilité de l’organisation du travail (et donc de l’entreprise pour le travail salarié) dans la venue du burn-out.

Ok, et maintenant, que faire si on est en burn-out ?

De l’arrêt de travail

Il faut arrêter le travail au plus vite. Pour deux raisons :

  1. Se reposer. Pour de vrai. On ne touche plus à son PC. On ne répond plus aux sollicitations. On ne fait que des choses qui nous font du bien.
  2. Faire un pas de recul sur la situation. On analyse les causes du burnout et les différentes remédiations que l’on peut mettre en place. Et ça, ce n’est possible qu’une fois reposée pour de vrai

Dans mon cas, le passage a l’arrêt à été très difficile car je l’associais à un constat d’échec. Or, c’est faux. Ce n’est pas un échec personnel car mon état d’épuisement n’est pas lié à un manquement quelconque de ma part, d’une incompétence ou d’une mauvaise gestion des tâches de ma part. Non, les causes sont les conditions de travail – et je le répéterai encore et encore si besoin. L’arrêt a été une nécessité car ma santé et ma vie valent plus que mon patron. Oui, le boulot, quel qui soit, est moins important que vous ou moi. Les patrons et leurs sbires essayeront de faire croire le contraire. Ils parleront de « surmenage », de « surengagement », diront qu’il suffit de travailler sur soi pour aller mieux.

Allez, pour prouver que je n’exagère pas, je vais donner l’exemple dans mon entreprise. La direction a proposé un programme de « gestion du surmenage » pour les personnes identifiées à risque (toute mon équipe en fait, pour vous dire à quel point le problème n’est pas individuel). Ce programme est la quintessence du pire suivi que l’on puisse avoir pour des personnes en situation de stress au travail :

  • Le message central de ce programme est le suivant : le stress au travail proviendrait de notre façon de voir les choses et de gérer la pression. Le burn-out viendrait de causes personnelles plus qu’externes (i.e. es conditions de travail). Ce qui est faux, on l’a vu : les causes du burn-out sont externes, même si des personnes peuvent être plus vulnérables au stress que d’autres
  • La séance de présentation était faite en présence de la hiérarchie, qui abondait dans le sens du « coach » sur l’origine personnelle du stress. En même temps, qu’attendre d’autre d’un N+2 (chef du chef) envoyant le dimanche des mails estampillés « urgent » en mettant en copie un salarié en arrêt maladie… pour burn-out ?
  • Les intervenant·e·s s’inscrivaient clairement dans le mouvement spirituel du New Age : soigneuses par les mains, psychologue chamane, nutritionniste faisant mieux que les médecins, PNL, « neuro-émotions »… Bref, des croyances dans l’air du temps, n’ayant pas fait leurs preuves scientifiques, et qui ont été pointées du doigt par le MIVILUDES comme vecteurs de dérives sectaires. Croyances au passage tout à fait compatibles avec le monde ultra-libéral actuel
  • Le programme a été organisé sans coordination avec la médecine du travail, qui n’était pas au courant de cette initiative

J’ai assisté à la séance de lancement. J’étais mal tout le temps du visionnage. J’ai eu envie de pleurer et de hurler. De casser des choses. Pour chasser cette petite voix qui me susurre à quel point je suis faible et nulle. Pourtant, j’ai, il me semble, le recul nécessaire pour comprendre les causes de mon burn-out : le mode projet, les livrables qui s’accumulent, l’absence de stratégie sur le moyen terme, les coupures budgétaires qui ont foutu à la poubelle des mois de travail, les interfaces qui ne jouent pas leur rôle… Alors, je ne peux qu’imaginer les effets pour des personnes qui s’enfoncent seules dans le sable bitumeux du stress.

Voilà, c’est ça la réponse de ma boite face à l’épidémie de burn-out et au mal-être des salarié·e·s : un programme culpabilisant basé sur des croyances non prouvées et pouvant être dangereuses.

Ainsi, n’écoutons pas la direction ou les managers, dont le but est de faire du pognon pour la première et de plaire à la direction pour les seconds.

Donc, on se met en arrêt. Car on a le droit et car notre vie est plus importante que leur argent.

Petite aparté : Par la suite, je vais surtout parler du cadre professionnel, mais il me semble que l’arrêt est aussi une nécessité dans le cas du burn-out lié au travail domestique ou militant et ce pour les mêmes raisons.

Comment ?

En allant voir un·e médecin généraliste qui pourra rédiger un arrêt de travail. Bon à savoir : la médecine du travail peut aussi mettre des arrêts de travail.

Voilà, c’est simple en fait.

Et on se repose. Et on prend du recul.

On peut aussi être soutenu·e par d’autres interlocuteurices, car ce pas de côté peut être difficile à faire quand on est seul·e.

Dans mon cas, j’étais suivie en parallèle par une psychologue qui m’a été d’une grande aide durant toute cette période.

De plus, j’ai la chance d’avoir un collègue de confiance à peu près dans le même cas. Grâce à lui – et à ma psychologue, je suis arrivée à m’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

Et enfin, j’ai rejoint un syndicat. Un vrai, un de ceux qui aident les gens et qui combattent pour améliorer les conditions de travail de toutes et tous, pas que pour les cadres avec de l’ancienneté.

En résumé :

  • On s’arrête
  • On se fait aider : syndicat et médecine du travail, et psychologue/psychiatre
  • On en parle à des personnes de confiance

Et pour le retour ?

Eh bien, ça dépend. De la marge de manœuvre que l’on a. Des méthodes pour gérer le stress que l’on déploie. De ce qui est important ou pas pour nous.

Ce qui est certain, c’est que les mêmes causes donnent les mêmes résultats.

Des fois, un·e manager qui fait correctement son travail (ça arrive) va permettre une amélioration des conditions de travail, soit en clarifiant les objectifs, les stratégies, soit en permettant la diminution du temps de travail. Cependant, comme écrit plus haut, les managers ont pour objectif de plaire à la direction et les méthodes de management actuelles sont de plus en plus mortifères ― sans parler des nombreux managers pouvant être une source majeure de stress, via du harcèlement par exemple.

Une des meilleures façons de changer l’organisation du travail est de participer à un syndicat, car il s’agit d’un contre-pouvoir important dans une entreprise, le seul dans lequel les intérêts des salarié·e·s sont pris en compte. En fait, c’est son rôle : permettre aux salarié·e·s de défendre leurs droits et leurs intérêts dans une entreprise.

En se regroupant, en discutant entre nous, en s’aidant, en se formant, on est plus fort·e.

Conclusions

En conclusion, le burn-out et les troubles liés au stress au travail Une entreprise a légalement l’obligation de mettre en place des mesures limitant les risques psycho-sociaux avec une obligation de résultats. Si une personne est en burn-out, d’une part ce n’est pas de sa faute, mais celle de l’entreprise, et d’autre part, il est nécessaire de se mettre en arrêt pour se protéger. Ça marche aussi pour le travail non salarié.

Et la lutte collective est un outil efficace et précieux pour permettre d’améliorer les conditions de travail. Car à plusieurs, on est toujours plus fort·e.

Sources/pour aller plus loin

Mise à jour du 01/07/2022 : ajout comme source le dossier « L’arrêt de travail, un mal nécessaire »