L’année 2023 est un peu particulière. J’ai passé une partie non négligeable de mon temps en arrêt maladie, ce qui explique le nombre plus élevé de livres lus que d’habitude. Les livres me permettent de me blinder contre une réalité pas forcément reluisante. Oui, les livres peuvent donner de réfléchir sur notre monde cassé. Mais on n’oublie un peu trop – quand on milite – la fonction d’évasion et de beauté de la littérature. J’aime accompagner une auteurice dans son imaginaire et y créer mon petit monde à moi. J’aime aussi être éblouie devant une phrase qui me touche comme une flèche dans sa cible. Durant ces mois compliqués, la littérature, comme souvent, m’a permis de tenir et de rêver. Et, en soi, c’est déjà beaucoup.
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J’ai écrit une première version de ce texte.
J’ai attendu.
Puis j’ai relu.
J’ai compris que je n’étais par Audre Lorde.
J’ai tout effacé et réécrit.
***
Voilà, j’ai développé un trouble bipolaire. J’écris « développé » car je n’avais jamais fait de crise (hypo)-maniaque avant noël 2022. Des dépressions se sont suivies à la queuleuleu depuis ma fin d’adolescence, sans phase intense de speed.
Le point positif de tout ça est d’enfin savoir pourquoi je me sens mal depuis des années. Ce n’était pas que dans ma tête. Fin si. Fin on se comprend. Comme certaines personnes le racontent, poser un diagnostic m’a permis d’avoir l’impression de pouvoir maîtriser ce trouble. Pas guérir, non. Vivre avec.
Et donc je suis folle. Bien sûr, je m’en doutais un peu. Vivre dépression sur dépression déclenchées par des causes plutôt minimes indique que quelque chose déconne un peu dans son cerveau.
Folle par cycle.
Folle à vouloir en crever pour avoir l’impression de ne pas arriver à *performer* au travail.
Folle à vouloir se laisser entraîner dans une danse folle folle folle à tournoyer rire jongler courir chanter danser aimer.
Ou peut-être que la folie vient de ce monde qui crée des cassures dans les gens ? Concrètement, le capitalisme, le sexisme, le racisme sont des terreaux fertiles pour, si ce n’est les éviter, aggraver les folies, les rendre (plus) difficiles à vivre.
Par exemple, comment ne pas être dépressive quand on vit dans une chambre de douze m² avec un néon grésillant au plafond et des pâtes au fromage à manger pour les deux prochaines semaines ? Ou quand on se retrouve seule à gérer un bébé qui nous réveille toutes les deux heures ? Comment ne pas être stressée dans un monde où priment libéralisme et de productivité ? Ou quand on ne sait pas si son fils reviendra vivant d’un contrôle de police ?
La fin des systèmes de domination est une nécessité.
Mes troubles sont la toile de fond de toute mon année 2023, avec cinq mois d’arrêts, trois dépressions, une crise suicidaire et une manie.
Je m’en sors bien.
Forcément, mon implication dans les milieux militants en a pâti. Comme je le dis souvent, quand on est mal, on milite mal. Du moins de ce que j’ai observé de ma longue (lol) expérience militante.
J’ai donc passé en arrêt une bonne partie de la lutte contre la réforme des retraites. La conclusion de ces six mois de combat et de ces millions de manifestant·es ? Que, malgré une mobilisation extraordinaire, la grève a été peu suivie. Et c’est la grève qui fait plier les patrons. En ça, l’auto-organisation entre collègues est nécessaire pour créer un rapport de force contre les patrons et toustes celleux qui nous écrasent et préparer une société sans capitalisme. En bref, rejoindre les syndicats. Sur le côté révolutionnaire du syndicat, ce n’est pas moi qui le dit mais la Charte d’Amiens, dont se réclament la CGT, Solidaires, la CNT…
J’ai participé en pointillé au groupe anarchiste dans lequel je milite, prise entre déceptions et syndrome de l’imposteure. Il paraît que mon avis est biaisé, donc j’attends de voir. J’ai envie d’apprendre, de lutter, de créer. De féminisme, aussi.
Mon premier arrêt a été une période féconde, avec de nombreuses nouvelles écrites, qui attendent sagement dans leur dossier que je les reprenne. Un jour, peut-être. Une plus ancienne a été sélectionné finaliste par un concours sur le fantastique et un poème par un concours sur le thème de la frontière. J’ai les deux recueils dans ma bibliothèque pour me prouver à moi-même que, oui, j’y suis arrivée.
Les six derniers de l’année ont été mois évidents. La dépression, le trou gris d’eau boueuse dans lequel on se noie, rend difficile la création.
Grâce au challenge de l’Imaginaire (pour s’inscrire à l’édition 2024, c’est ici), je me suis astreinte à rédiger (un peu à l’arrache, je l’avoue) des critiques de livres de façon régulière. Je pense que ce sera l’activité principale du blog car je souhaite diriger mon temps d’écriture à mes textes. Je travaille actuellement sur une romance un poil clichée, mon shojo comme je l’appelle. Ce roman sera un de mes objectifs de cette année (et de celle d’après probablement).
Le blog a plutôt bien fonctionné cette année, en particulier de vieux posts. Les trois articles les plus vus sont :
- Slogans contre les violences policières et la loi “Sécurité globale”
- Questions trans : Femmes, utérus et lieux non mixtes (en relisant, je pense que je n’aurai pas écrit certaines choses de cette façon. Ça doit être l’expérience de l’âge)
- Nef, anthroposophie et écolo-ésotorisme
En fait, je triche. L’article le plus vu de cette est celui annonçant la pause estivale du blog. J’en conclus que les robots aiment la montagne.
Une autre conséquence de ma dépression estivale est l’échec de mon mini jardin de balcon qui n’a pas donné grand chose, coincé entre une invasion d’araignées rouges (encore elles…) et mon incapacité à m’en occuper correctement. Malgré tout, certaines plantes ont plutôt bien résisté : piment, belle de nuit, ipomée, bourrache, basilics, ma fidèle ciboulette, thym et capucines. Je vais essayé d’adapter mes semis en fonction de ce retour d’expérience. Et puis j’ai envie de fleurs. Étonnamment, mon jasmin étoilé est un peu reparti, ce qui m’a permis de faire le deuil de mon chèvre-feuil qui me suivait depuis sept ans.
Comme l’année dernière, j’ai beaucoup marché, entre un séjour à Briançon et mon périple cévenol. J’aime marcher. En fonction de son envie, ces randonnées courtes ou non peuvent être des moments de dépassement de soi, de partage, d’ouverture à la beauté, de communion avec soi-même et de créativité.
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Marchant funambule
Sur la crête d’une dune
Un pas après l’autre
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Ne jamais oublier la beauté d’un coucher de soleil, la main chaude d’un·e amant·e, l’odeur d’une fleur ouverte, une musique qui vous entraîne.
Que votre année 2024 soit belle.
Cette année, j’ai décidé d’être plus exigeante en terme de lecture, que ce soit pour le genre des auteurices, mais aussi du contenu en lui-même. Il y a beaucoup trop de chefs- d’œuvres, de livres remue-ménages pour perdre du temps sur des bouquins pour lesquelles je n’accroche pas ou qui ne me touche pas d’une manière ou d’une autre.
Avant propos : ce billet abordera la violence capitaliste et la dépression
J’ai l’impression de ne plus avoir de prise avec le temps. Tout file à toute vitesse. Dans ces moments-là, je repense à l’autobiographie d’Angela Davis en me demandant : comment faisait-elle pour concilier toutes ses vies en une seule ? Non pas que la mienne de vie est quoi que ce soit à voir avec la sienne…
Comment faire pour concilier toutes mes envies, nombreuses, diverses, en une vie si courte ? Pourquoi devrais-je choisir ? Mes priorités fluctuent en fonction des périodes d’énergie et d’urgences, avec cette impression d’être ballottée tel un canoë sur l’océan.
Trigger warning : les livres dont je vais discuter ici peuvent parler de violences sexuelles et physiques ou psychologiques, ainsi que de suicide. Mieux vaut le savoir avant de continuer.
J’ai déjà raconté à quel point la lecture est une compagne précieuse dans ma vie, qui m’accompagne dans les moments de mélancolie et m’aide à avancer. Les livres me construisent, me bousculent, me bercent.
Le temps est pareil à une brume argentée : insaisissable, il rend les événements ouatés et lointains. On ne voit rien à plus d’un mètre, alors on avance, un pas devant l’autre. Et puis un jour, le voile se lève et on découvre, étonnée, toute la distance parcourue.
Alors, que dire de 2021 ?
La partie 1 se trouve ici. Ici, on parlera de luttes.
Le temps est pareil à une brume argentée : insaisissable, il rend les événements ouatés et lointains. On ne voit rien à plus d’un mètre, alors on avance, un pas devant l’autre. Et puis un jour, le voile se lève et on découvre, étonnée, toute la distance parcourue.
Alors, que dire de 2021 ?
Certaines personnes considèrent l’écriture comme une part inaliénable de leur être. Elles racontent comment toutes petites déjà, elles gribouillaient des histoires dans des cahiers et comment l’écriture leur permettait d’exprimer leurs idées et leurs sentiments de façon juste. Ce n’est pas mon cas.
Le brouillard nocturne est de retour et annonce l’installation de l’hiver. Quelques rayons de soleil font une percée vers midi et disparaissent aussi vite quand l’heure des crêpes sonnent. Bref, le mois de décembre est là, c’est le moment du bilan annuel.
Cela devient une habitude, mais ce billet est divisé en deux parties. La première partie se trouve ici.
Burn-out et priorisation
Je le traînais depuis des mois, ce burn-out. Et pour tout dire, ce n’est pas comme si ma santé mentale était au beau fixe avant. Mais voilà, à tirer sur la corde, à un moment, ça craque. Et on arrête. Et on pleure. Et on dort. Beaucoup.
Le brouillard nocturne est de retour et annonce l’installation de l’hiver. Quelques rayons de soleil font une percée vers midi et disparaissent aussi vite quand l’heure des crêpes sonnent. Bref, le mois de décembre est là, c’est le moment du bilan annuel.