Avant propos : ce billet abordera la violence capitaliste et la dépression

J’ai l’impression de ne plus avoir de prise avec le temps. Tout file à toute vitesse. Dans ces moments-là, je repense à l’autobiographie d’Angela Davis en me demandant : comment faisait-elle pour concilier toutes ses vies en une seule ? Non pas que la mienne de vie est quoi que ce soit à voir avec la sienne…

Comment faire pour concilier toutes mes envies, nombreuses, diverses, en une vie si courte ? Pourquoi devrais-je choisir ? Mes priorités fluctuent en fonction des périodes d’énergie et d’urgences, avec cette impression d’être ballottée tel un canoë sur l’océan.

Le militantisme comme colonne vertébrale

Mon investissement au sein du syndicat est de plus en plus croissant. Organisation de mobilisations, rédactions de tracts, tenue de lettres d’informations, et surtout tentative de permettre à toutes et tous les syndiqués de s’investir. Ce travail de fond, établir une structure démocratique de lutte et de masse, est loin d’être facile.

J’ai de la chance de pouvoir compter sur l’expérience d’un élu de longue haleine, quelqu’un militant depuis les années 80, aux réflexions fines et aux pratiques alignées avec celles-ci, mais aussi sur d’autres camarades syndicalistes s’investissant dans la même organisation politique que moi. Le calendrier patronal et les urgences qui s’empilent rendent néanmoins difficiles le passage d’information et la structuration sur le long terme. J’essaie néanmoins d’accepter de plus en plus les aléas de la mobilisation.

Plus je plonge dans les entrailles de l’entreprise, plus je vois l’organisation malsaine et briseuse de vie qu’est mon entreprise : harcèlements moraux, violences verbales, mises au placard, pressions sans vraiment d’explication, copinages et boys clubs, radineries et mépris de la direction, mises en danger physiques et mentales de collègues…

Toutes ces violences, toutes ces destructions d’êtres humains, cachés derrière les sourires figés des ressources humaines et des chef·fe·s portant des polos à 150 balles.

A cela s’ajoute la difficulté de naviguer à côté de syndicats près à lâcher toute vraie revendication au moindre sifflement du patronat.

En bref, c’est une nécessité pour moi d’investir les syndicats pour une approche de lutte et pour changer l’organisation du travail afin de redonner du sens au travail et éviter les vies brisées.

Avec toujours à long terme, l’objectif d’une entreprise sans patron dans une société sans capitalisme.


Côté organisation politique, cette année a été… compliquée.

La commission antipatriacale dans laquelle je m’investissais s’est effondrée en mars à cause, en grande partie, du départ de personnes suite à des pratiques militantes déconnantes (dénigrement systématique des actions, mise en accusation de personnes suite à des échecs collectifs, violences par écrit…). De belles choses ont pourtant été réalisées : une présence vraiment chiadée au 25 novembre et au 8 mars, un réel poids au sein du collectif inter-associatif féministe pour les prises en compte des problématiques spécifiques aux personnes trans, du racisme et de la non-mixité, des discussions profondes et nuancées, …

Cortège de tête non mixte sur les quais du Rhône à Lyon, avec beaucoup de monde. Le slogan de la banderole de tête est :
 "Collectif Droits des Femmes 69
Fortes, fières, féministes
En colère et en lutte"
Cortège de tête non mixte de la manifestation contre les violences faites aux femmes du 26/11/2022, organisé par le collectif Droits des Femmes 69. Photo de Valérie Bruno piquée dans le Progrès

J’espère fortement un jour que cette commission se relance, peut-être pas exactement de la même façon – j’ai évolué sur ma compréhension des stratégies révolutionnaires ; mais elle me semble nécessaire.

En effet, la sororité – la solidarité politique entre femmes – est d’une importante cruciale dans un groupe mixte. Il me semble très important que les membres d’un groupe dominé se serre les coudes face à des pratiques oppressives. Cela ne veut bien sûr pas dire que nous sommes toutes d’accord, toutes copines. Mais, qu’en présence d’agresseurs, de violences de tout type, de micro à macro-agressions, de minimisation du patriarcat, nous puissions nous tourner vers un espace pour faire bouger les rapports de force au sein même de l’organisation.

J’ai appris au printemps que nous avions un agresseur au sein de notre groupe. Ma colère fut noire, le feu brûlât pendant des semaines. Comment avions-nous pu laisser faire ?

Et puis, j’ai compris que la situation était complexe : la victime s’opposait à toutes mesures contre l’agresseur, considérant que de violences, il n’en avait pas eu. Avec un réel espace de sororité, nous aurions pu mieux gérer cette situation. Nous aurions pu mettre en place un cordon sanitaire autour du type adepte de violences psychologiques et de mises sous emprise. Nous aurions pu nous opposer collectivement aux rares personnes soutenant activement l’agresseur dans sa stratégie de victimisation. Nous aurions pu…

Sauf que cet espace n’existe pas, juste des liens informels assez faibles.

Que faire une fois que les faits de violences sont publiques ? Qu’est-ce qui prime : le respect de la victime, qui n’était plus en couple avec cet agresseur, ou la protection des femmes dans notre organisation ?

Nous avons tranché : aucune place pour les agresseurs ni ici ni ailleurs. Cependant, cette situation de vol de choix de la victime nous – me – poursuivra encore quelques temps.

Santé mentale et impact sur l’écriture

A trop encaisser, à un moment on craque. C’est ce qui m’est arrivé ce printemps. Entre le 8 mars, l’organisation d’un week-end militant, la charge folle au travail, j’étais déjà à la limite. J’ai essayé de me protéger, tout contrôler, stopper certains engagements, mais voilà, on vit dans un monde chaotique.

Une amie est décédée.

Et là, tout est partout en live.

Je n’avais même plus d’énergie à essayer de garder le contrôle, à cacher derrière un sourire le vide qui me rongeait de l’intérieur.

Les antidépresseurs m’ont sauvé la vie. Une chance, quand une personne sur trois ne réagit pas à ces molécules. Je me suis retrouvée, enfin, après 15 ans de survie. Depuis, je navigue sur une ligne de crête entre anxiété, dépression pré-menstruelle et des périodes d’effervescence. Cette lutte pour retrouver pied est aussi une des raisons pour laquelle je suis partie en mode sac à dos sur les côtes bretonnes : une expérience magnifique que je réitérerai j’espère en 2023.

Arc en ciel sur la mer grise, dans un ciel brumeux laissant passé quelques rayons de soleil. Une personne se tient au bord de l'eau en direction d'un bateau à voile se dirigeant vers l'arc en ciel
Arc en ciel en Bretagne

L’écriture de fiction est devenue douloureuse, la concentration plus de 10 minutes m’est difficile. De plus, je ne suis pas vraiment satisfaite de ma nouvelle méthode d’écriture (technique du premier jet sans reprise). Je ne sais pas quoi faire pour revenir à un rythme acceptable pour moi. J’essaie de me rassurer en prenant en compte les articles du blog et les poèmes – dont certains me rendent fière. Il s’agit après tout de formes d’écriture. Plusieurs de mes articles ont fonctionné assez extraordinairement ; celui sur les allié·e·s d’agresseurs a dépassé les 2400 vues ! J’ai atteint une moyenne de 1700 visiteurs (pour ce que cela veut dire) par mois, tellement plus que ce que j’aurai imaginé. Peut-être que est-ce le signe que ma rage est partagée ?

Arrivée des lapins et jardinage

Suite à un appel désespéré d’une proche, j’ai accueilli M. Pan au printemps : un lapin papillon mâle qui avait été probablement abandonné au bord de la route. La vie avec des lagomorphes est très différente qu’avec un chat : tout un apprentissage à revoir !

Déjà, les lapins sont très hiérarchiques, territoriaux et grégaires. Après quelques péripéties à base de réveil de mon compagnon au pipi chaud – suivies d’une stérilisation plus que bienvenue, nous avons pris nos marques. Et comme M. Pan commençait à s’ennuyer ferme, Mme Pane est arrivée à l’automne : une lapine grise aux grandes oreilles, abandonnée elle-aussi. Le grand amour file entre eux, mon bureau s’est transformé en étable et c’est toujours un petit bonheur de voir les lapins me courir après quand j’apporte leur gamelle de salade.

M. Pan (le lapin noir et blanc) et Mme Pane (la lapine grise) sont allongées sur un tapis à motif, détendues et les pattes allongées en arrière.
M. Pan et Mme Pane, détendues sur le tapis

Du côté potager sur balcon, de grandes améliorations sont à noter par rapport à l’année dernière. La lutte contre les araignées rouges a mieux fonctionné, grâce aux supers pouvoirs du vaporisateur d’eau : des pshitts tous les soirs en période chaude et c’est quasi miraculeux! J’ai pu limiter l’invasion de fourmis et pucerons – merci les produits chimiques.

Fleur violette avec des traits rouges et un cœur blanc
Fleur d’ipomée tricolore, pas encore dévorée par les araignées rouges

Les récoltes ont été bonnes (pour du potager sur balcon) : tomates black cherry et groseilles blanches, piments de Bresse (pratique avec une exposition Nord-Est !), basilic à gogo, et assez de menthe et de roquettes pour faire plaisir aux deux gros lagomorphes.

Saladier rouge contenant des petites tomates rouges et jaunes, ainsi qu'un piment de bresse
Saladier de tomates. J’ai obtenu à peu près trois saladiers de cette taille
Piment dans un pot rose et bleu. Une dizaine de fruits rouge sont sur le plant.
Pied de piment de presse, dans son pot avec réservoir d’eau DIY

Les houblons ont mieux résisté cette année.

Une repousse de houblon est visible à la base du pied; le pied est recouvert de foin
Repousse du houblon

De plus, petite fierté personnelle, j’ai réussi à sauver un bougainvillier et une plante d’intérieure (dont je n’ai aucune idée du nom…).

La plante inconnue

Cependant, il y a quelques points noirs et mitigés. J’abandonne les cornichons, salades et carottes. J’ai bien obtenu quelques résultats, mais ces derniers ne valent pas le temps et l’eau passées.

La carotte rouge-orangée est posée à côté d'un gant de cuisine. La carotte n'est pas plus grand que le gant.
Une toute petite carotte
Cornichon russe à côté de 5 tomates cerises
Le seul cornichon obtenu…

Les fleurs ont eu beaucoup de mal à sortir le nez, je ne sais pas vraiment pourquoi. Or, j’adore les fleurs… Les fraisiers ont peu donné. Elles ont aussi été envahi par les fourmis. Le pot vertical est en fait une très mauvaise idée.

Fraises des bois en train de mûrir dans leur pot vertical
Fraises Reines des Vallées

Et surtout, j’ai cru perdre mes arbustes qui m’accompagnent depuis 7 ans : jasmin étoilé, chèvrefeuille et camélia. Les deux derniers semblent un peu près sorties de la zone critique, grâce à un rempotage d’urgence en août pour le camélia et une suppression quotidienne des feuilles malades pour le chèvrefeuille. Par contre, mon jasmin étoilé reste dans un état compliqué suite à la canicule. Pour protéger au mieux M. Pan de la chaleur, le mur extérieur avait été recouvert d’une couverture de survie. Cependant, les rayons du soleil étaient renvoyés directement sur le pauvre jasmin étoilé qui n’en demandait pas tant… Je pense rempoter le jasmin dans un pot plus à l’ombre, et mettre à la place un citronnier, qui devrait mieux résister aux rayons directs. Je croise les doigts pour l’année prochaine.

J’ai déjà prévu des semis supplémentaires : lavande, sauges et encore un espèce différente de petites tomates. J’aimerai beaucoup réussir les fleurs, la couleur me manque. J’ai aussi craqué pour du basilic pourpre qui me faisait de l’œil depuis plusieurs années. Ce seront les lapins qui vont être contents !

M. Pan le lapin noir et blanc mange une carotte rouge-orangée en regardant l'objectif dans les yeux.
M. Pan a apprécié la carotte !

Et cette fois-ci, je pourrai compter sur mon carnet de plantation, pour encore améliorer mes semis/plantations au printemps prochain.

Sur ce, je vous souhaite une très belle année 2023, pleine de luttes gagnées, de sororité et d’amour pour vous-mêmes.

Pour aller plus loin