Cette année est une année de pause, volontaire cette fois-ci. Erreur minime au travail. Sentiment d’échec, d’être incapable. Crise, fébrilité et paf démission. Aussi rapide que ça. Je me rappelle exactement à quel moment ma décision était prise : quand j’ai claqué la porte de la voiture derrière moi après la visite du nouvel an chez ma grand-mère. C’est l’avantage d’être cadre : je peux me permettre de ne pas recevoir de salaire pendant plusieurs mois.
Étiquette : écriture
J’ai écrit une première version de ce texte.
J’ai attendu.
Puis j’ai relu.
J’ai compris que je n’étais par Audre Lorde.
J’ai tout effacé et réécrit.
***
Voilà, j’ai développé un trouble bipolaire. J’écris « développé » car je n’avais jamais fait de crise (hypo)-maniaque avant noël 2022. Des dépressions se sont suivies à la queuleuleu depuis ma fin d’adolescence, sans phase intense de speed.
Le point positif de tout ça est d’enfin savoir pourquoi je me sens mal depuis des années. Ce n’était pas que dans ma tête. Fin si. Fin on se comprend. Comme certaines personnes le racontent, poser un diagnostic m’a permis d’avoir l’impression de pouvoir maîtriser ce trouble. Pas guérir, non. Vivre avec.
Et donc je suis folle. Bien sûr, je m’en doutais un peu. Vivre dépression sur dépression déclenchées par des causes plutôt minimes indique que quelque chose déconne un peu dans son cerveau.
Folle par cycle.
Folle à vouloir en crever pour avoir l’impression de ne pas arriver à *performer* au travail.
Folle à vouloir se laisser entraîner dans une danse folle folle folle à tournoyer rire jongler courir chanter danser aimer.
Ou peut-être que la folie vient de ce monde qui crée des cassures dans les gens ? Concrètement, le capitalisme, le sexisme, le racisme sont des terreaux fertiles pour, si ce n’est les éviter, aggraver les folies, les rendre (plus) difficiles à vivre.
Par exemple, comment ne pas être dépressive quand on vit dans une chambre de douze m² avec un néon grésillant au plafond et des pâtes au fromage à manger pour les deux prochaines semaines ? Ou quand on se retrouve seule à gérer un bébé qui nous réveille toutes les deux heures ? Comment ne pas être stressée dans un monde où priment libéralisme et de productivité ? Ou quand on ne sait pas si son fils reviendra vivant d’un contrôle de police ?
La fin des systèmes de domination est une nécessité.
Mes troubles sont la toile de fond de toute mon année 2023, avec cinq mois d’arrêts, trois dépressions, une crise suicidaire et une manie.
Je m’en sors bien.

Forcément, mon implication dans les milieux militants en a pâti. Comme je le dis souvent, quand on est mal, on milite mal. Du moins de ce que j’ai observé de ma longue (lol) expérience militante.
J’ai donc passé en arrêt une bonne partie de la lutte contre la réforme des retraites. La conclusion de ces six mois de combat et de ces millions de manifestant·es ? Que, malgré une mobilisation extraordinaire, la grève a été peu suivie. Et c’est la grève qui fait plier les patrons. En ça, l’auto-organisation entre collègues est nécessaire pour créer un rapport de force contre les patrons et toustes celleux qui nous écrasent et préparer une société sans capitalisme. En bref, rejoindre les syndicats. Sur le côté révolutionnaire du syndicat, ce n’est pas moi qui le dit mais la Charte d’Amiens, dont se réclament la CGT, Solidaires, la CNT…

J’ai participé en pointillé au groupe anarchiste dans lequel je milite, prise entre déceptions et syndrome de l’imposteure. Il paraît que mon avis est biaisé, donc j’attends de voir. J’ai envie d’apprendre, de lutter, de créer. De féminisme, aussi.
Mon premier arrêt a été une période féconde, avec de nombreuses nouvelles écrites, qui attendent sagement dans leur dossier que je les reprenne. Un jour, peut-être. Une plus ancienne a été sélectionné finaliste par un concours sur le fantastique et un poème par un concours sur le thème de la frontière. J’ai les deux recueils dans ma bibliothèque pour me prouver à moi-même que, oui, j’y suis arrivée.

Les six derniers de l’année ont été mois évidents. La dépression, le trou gris d’eau boueuse dans lequel on se noie, rend difficile la création.
Grâce au challenge de l’Imaginaire (pour s’inscrire à l’édition 2024, c’est ici), je me suis astreinte à rédiger (un peu à l’arrache, je l’avoue) des critiques de livres de façon régulière. Je pense que ce sera l’activité principale du blog car je souhaite diriger mon temps d’écriture à mes textes. Je travaille actuellement sur une romance un poil clichée, mon shojo comme je l’appelle. Ce roman sera un de mes objectifs de cette année (et de celle d’après probablement).
Le blog a plutôt bien fonctionné cette année, en particulier de vieux posts. Les trois articles les plus vus sont :
- Slogans contre les violences policières et la loi “Sécurité globale”
- Questions trans : Femmes, utérus et lieux non mixtes (en relisant, je pense que je n’aurai pas écrit certaines choses de cette façon. Ça doit être l’expérience de l’âge)
- Nef, anthroposophie et écolo-ésotorisme

En fait, je triche. L’article le plus vu de cette est celui annonçant la pause estivale du blog. J’en conclus que les robots aiment la montagne.

Une autre conséquence de ma dépression estivale est l’échec de mon mini jardin de balcon qui n’a pas donné grand chose, coincé entre une invasion d’araignées rouges (encore elles…) et mon incapacité à m’en occuper correctement. Malgré tout, certaines plantes ont plutôt bien résisté : piment, belle de nuit, ipomée, bourrache, basilics, ma fidèle ciboulette, thym et capucines. Je vais essayé d’adapter mes semis en fonction de ce retour d’expérience. Et puis j’ai envie de fleurs. Étonnamment, mon jasmin étoilé est un peu reparti, ce qui m’a permis de faire le deuil de mon chèvre-feuil qui me suivait depuis sept ans.

Comme l’année dernière, j’ai beaucoup marché, entre un séjour à Briançon et mon périple cévenol. J’aime marcher. En fonction de son envie, ces randonnées courtes ou non peuvent être des moments de dépassement de soi, de partage, d’ouverture à la beauté, de communion avec soi-même et de créativité.
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Marchant funambule
Sur la crête d’une dune
Un pas après l’autre
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Ne jamais oublier la beauté d’un coucher de soleil, la main chaude d’un·e amant·e, l’odeur d’une fleur ouverte, une musique qui vous entraîne.
Que votre année 2024 soit belle.
Avant propos : ce billet abordera la violence capitaliste et la dépression
J’ai l’impression de ne plus avoir de prise avec le temps. Tout file à toute vitesse. Dans ces moments-là, je repense à l’autobiographie d’Angela Davis en me demandant : comment faisait-elle pour concilier toutes ses vies en une seule ? Non pas que la mienne de vie est quoi que ce soit à voir avec la sienne…
Comment faire pour concilier toutes mes envies, nombreuses, diverses, en une vie si courte ? Pourquoi devrais-je choisir ? Mes priorités fluctuent en fonction des périodes d’énergie et d’urgences, avec cette impression d’être ballottée tel un canoë sur l’océan.
Il est difficile
D’écrire un beau haïku
Et pourtant j’essaie
Il est plus facile
De laisser les mots flotter
Que de les écrire
J’ai beaucoup de mal à me concentrer en ce moment.
Ma mémoire fuit avec les mots.
J’ai travaillé sur un univers solar punk, sans arriver à en dégager une histoire. Puis j’ai commencé une nouvelle, mais chaque lettre s’écrit dans la sueur et le sang.
Je ne désespère pas. Même si tout est encore confus, l’écriture trouvera bien son chemin.
Trigger warning : les livres dont je vais discuter ici peuvent parler de violences sexuelles et physiques ou psychologiques, ainsi que de suicide. Mieux vaut le savoir avant de continuer.
J’ai déjà raconté à quel point la lecture est une compagne précieuse dans ma vie, qui m’accompagne dans les moments de mélancolie et m’aide à avancer. Les livres me construisent, me bousculent, me bercent.
Le temps est pareil à une brume argentée : insaisissable, il rend les événements ouatés et lointains. On ne voit rien à plus d’un mètre, alors on avance, un pas devant l’autre. Et puis un jour, le voile se lève et on découvre, étonnée, toute la distance parcourue.
Alors, que dire de 2021 ?
Apprendre à écrire
Le langage de la nuit
Et des louves d’ombre
A l’origine, j’avais prévu de rédiger un article sur le burn-out. J’ai vu – sur le Net et dans mon entreprise – des propos dangereux culpabilisant les personnes et déresponsabilisant les entreprises. Et puis, pourquoi pas, exorciser cette phase d’épuisement, dont je ne suis pas totalement sortie, en y mêlant mon expérience personnelle. Bref, j’aurai aimé, à mon échelle, remettre les choses à l’endroit, dans ce monde cachant les structures oppressives sous des choix individuels et biaisés.