Avant propos

Tout ce qui suit est tiré de ma toute jeune expérience syndicale (de 1 an et des poussières), que je souhaite quand même partager. Car je pense que c’est important de démythifier les syndicats. Donc, forcément, mes analyses peuvent être limitées et mes points de vue biaisés.

Le retour des négociations

Comme à chaque début d’année, ont eu lieu dans ma boite les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO pour les intimes). C’est le moment où syndicats et direction négocient sur la rémunération, le temps de travail, l’égalité femmes-hommes, durée du temps de travail, la mise en place du forfait mobilité durable, etc.

La crise a bon dos pour justifier des augmentations salariales indignes proposées par la direction : 2,4 % soit moins que l’inflation de 2021 (2,8 % en décembre 2021 d’après l’INSEE). Ce qui signifie que, concrètement, la direction proposait une baisse des salaires par rapport à 2021.

Je précise qu’il n’y avait pas eu d’augmentation en 2019 (la crise, toussa), et que celle de 2020 avait été assez minime alors que les actionnaires s’étaient reversés des énormes dividendes. Le patron, lui, avait été augmenté de 12 % par ces mêmes actionnaires, très contents de leurs dividendes. 12 % d’un salaire de patron d’une entreprise de CAC 40, c’est assez éloigné de 2,4 % d’une ouvrière : 200 000 euros par an contre moins de 690 euros par an. 290 fois plus. Bon, on respire, on rentre son cocktail Molotov et on reprend.

Donc, comme c’était d’une injustice flagrante, et que personne n’aime voir les salaires baissés (à part les patrons et les actionnaires), mon syndicat a appelé à la grève.

Oui, la grève.

(A lire en roulant les R : la grrrrrrève)

Posons-nous la question, pour reprendre un grand journaliste, mais est-ce que ça ne va pas trop loin ?

Car, après tout, les autres syndicats, majoritaires dans mon entreprise, n’ont pas rejoint l’appel, arguant que remonter le mécontentement général serait suffisant.

La grève, c’est quoi ?

Commençons par des petits rappels de définition et de droits.

La grève consiste à un arrêt de travail collectif et concerté dans le but d’obtenir des revendications professionnelle. Pour qu’une grève soit légale, il faut :

  1. Un arrêt total du travail, que ce soit pour 5 minutes, une heure, une journée, une semaine… Le sabotage ou le ralentissement de cadence (appelé aussi « grève perlée ») n’est pas une grève selon la loi
  2. Être au moins 2 à s’arrêter ans l’entreprise, sauf si :
    • On est le ou la seule salariée de son entreprise
    • Il y a un appel local ou national par un syndicat (pas forcément le sien)
  3. Que les revendications soient liées au travail : conditions de travail, salaires… Par contre, il est illégal de faire grève contre des candidatures d’extrêmes-droites par exemple.

Il n’y a pas besoin d’être syndiquée pour faire grève. Dans le privé, on peut faire grève à tout moment, sans prévenir. Si votre manager vous demande si vous avez l’intention de faire grève, et que vous êtes dans le privé, ce manager est dans l’illégalité.

Le droit de grève est garanti par la loi : cela implique une suspension de contrat de travail pendant la durée de la grève. Une grève n’est donc pas payé, et ne donne pas droit au RTT…

Mais, en théorie, on ne peut pas être licenciée quand on a fait grève. Il est aussi interdit de mentionner dans une fiche de paye que la personne a fait grève.

Dans ma précédente boite et dans celle actuelle (deux boites du privé), la direction n’avait pas l’air au courant de ces lois : appel de la part des DRHs, tentatives de virer des camarades grévistes, demande aux managers de lister toutes les personnes qui avaient prévu de faire grève… Toutes ces pratiques sont bien sûr illégales.

La grève, ça marche

Suite aux propositions de la direction, mes collègues ont bloqué des usines pendant plusieurs jours, certain·e·s ont même fait grève pendant une dizaine de jours. Au final, la direction a dû lâché plus de pépètes que prévu : 2,8 % d’augmentation (soit l’inflation) et primes.

Plusieurs autres exemples permettent de prouver l’impact d’une grève suivie.

Le plus récent et le plus célèbre reste la grève des femmes de ménage de l’Ibis Batignolles. 8 mois de grève, 22 mois de luttes et une victoire : augmentation des salaires, primes, diminutions des cadences… Il y a aussi les grèves de Tipiak, Lustucru, Kronenbourg… où, à chaque fois, les salarié·e·s ont obtenu des augmentations et des primes.

On pourrait aussi revenir sur les arrêts des entreprises de 1936, pendant le Front populaire. Sans ces arrêts de travail et ces occupations, pas de congés payés ! Idem pour le week-end anglais (week-end d’un jour et demi), obtenu en France à la fin de la première guerre mondiale, grâce aux grèves des midinettes, comme on appelait les couturières qui mangeaient sur le pouce à midi.

Le but d’un patron et des actionnaires étant de faire du profit, la grève permet de mettre la pression où ça fait le plus mal : au portefeuille. C’est pour cela que ça marche. Eh oui, le travail des salarié·e·s est le carburant d’une entreprise. Sans travail des salarié·e·s, pas de profit pour le patron et les actionnaires. Et quand on touche à l’argent, les exploiteurs commencent à écouter les revendications.

OK, y a plus qu’à, non ?

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