Après de longs jours tranquilles, la porte spatio-temporelle apparut enfin à l’horizon. Naël répondit aux habituelles questions que demandaient la station : immatricule et destination du véhicule, nombre de voyageurs, cargaison…
Catégorie : Ecrits Page 2 of 9
L’Arcadie avait quitté la surface de la cyber-planète et dérivait sans but dans l’attente de sa future destination. La livraison de cuivre s’était passée quasiment sans accroc, à part quelques malins qui avaient essayé de diminuer le prix de vente. Tentative vite avortée par la douceur diplomatique des jumeaux. Artur assurait que l’homme bedonnant qui avait tenté sa chance était encore vivant après leur départ. Avec quelques os cassés, au moins le nez en vue de la respiration sifflante, mais vivant, précisèrent les mousses en cœur. En plus du précieux cuivre, les pièces de l’ancien vaisseau de Xiafi avaient toutes été refourguées, du moins celles qui n’étaient pas compatibles avec le vieux modèle de l’Arcadie.
Naël s’était attendu à beaucoup de chose. Une femme androgyne acnéique et en t-shirt informe. Un de ces êtres plus proches des machines que de l’humain qui peuplaient les bas fonds du Réseau. Une personne aux appendices câblées comme ils avaient pu en rencontrer sur leur route. Même à une pin-up jouant de ses charmes pour obtenir des cartes à puce pleines de secrets détenus par de vieux hommes libidineux.
Mais rien ne l’avait préparé à l’hôte qui les attendait tranquillement.
Le temps était une notion étonnante. Les minutes s’engrenaient lentement, pourtant Azza eut l’impression que les heures prises ensemble s’étaient écoulées à la vitesse de la lumière. Qu’avait-elle bien pu faire ? Elle se rapprocha encore plus du pare-brise de la cabine du pilote pendant qu’Issam vérifiait les trajectoires d’approches proposées par l’ordinateur de bord.
Quand Naël entra dans la salle commune plongée dans la pénombre, il sut que son second avait eu encore une fois raison. Il devina la silhouette de l’ancienne rebelle à la masse sombre qui se détachait sur le fond étoilé, visible à travers la baie plastifiée. Il s’arrêta à côté d’elle et la sentit se tendre quand elle devina enfin sa présence.
La nuit mon amie tu fuis à travers bois
Comme une biche mystérieuse et sauvage
J’aimerais tant chevaucher ton dos de moire
Saisir les étoiles
Plus que deux jours avant leur arrivée sur la cyber-planète. Le vaisseau avait traversé depuis quelques heures la dernière porte spatio-temporelle du trajet. L’excitation commençait à être palpable parmi l’équipage et, vu la tambouille qui remplissait leur assiette ces derniers jours, le plein de victuailles commençait à être critique. Naël se força à avaler la bouillie de couleur indéfinie – brun avec une touche de kaki, que des souvenirs – et parsemée de quelques feuilles fraîches. Au moins, si elle n’avait pas eu de goût…
La chute brutale réveilla Azza. Allongée sur le sol dur, elle ouvrit les yeux. Elle était toujours au milieu du jardin et devinait la silhouette de Zakioru roulé en boule contre une jardinière. Les autres hommes avaient disparu. Elle se leva, les membres douloureux, avant de se diriger cahin-caha vers la trappe. Un kof lui ferait du bien et, vu la beuverie de la veille, elle aurait peu de chance de croiser Saelys de sitôt. Les murs tanguaient autour d’elle et un moteur de découpes-ferrailles, un gros, un de ceux que l’on trouvait au sein des ateliers de réparations de navires, vrombissait au milieu de son crâne.
Aucun autre débordement n’avait été constaté depuis l’altercation de la semaine précédente. Saelys filait droit et gardait ses réflexions pour lui tandis que Yuka évitait de se retrouver seule à seul avec le cuistot. Elle s’occupait autrement.
L’odeur du jasmin
Sous le soleil printanier
Réchauffe mon cœur