J’ai beaucoup vu tourner l’hashtag (ou croisillon) #SyndiquezVous, moi-même l’ayant utilisé à plusieurs reprises. De ma toute petite expérience, se syndiquer n’est ni évident, ni suffisant. Le but de cet article est de tracer quelques pistes pour aider à intégrer un syndicat.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les laisser en commentaires pour voir si moi ou des lecteurices peuvent apporter des réponses. Des même si vous souhaitez ajouter des précisions ou des témoignages.

Les différents points que je vais aborder sont :

  1. Se syndiquer… mais c’est quoi un syndicat ?
  2. Se syndiquer… mais dans un syndicat de combat
  3. Se syndiquer… et en l’absence de syndicat de lutte dans ma boite ?
  4. Se syndiquer… et si je suis précaire ?
  5. Se syndiquer… c’est bien. Militer c’est mieux.
  6. Se syndiquer… mais les élues sont à la ramasse !

Avant-propos

Je pense qu’il est important de rappeler d’où je parle pour mieux comprendre comment mon expérience personnelle m’a permis de développer ce qui suit.

Déjà, je travaille dans une grosse entreprise en tant qu’ingénieure. Mes conditions de travail sont assez courantes dans ce type de boulot : open-space de 30 personnes et le bruit qui va avec, forfaits jours et charge de travail à gogo. Je suis par contre épargnée sur les aspects physiques : peu de risque de troubles musculo-squelettiques, d‘électrocution, d’exposition à des matières dangereuses (amiante, poussière,…) ou de ports de charge lourdes ; entre autres des bonheurs que l’on peut rencontrer dans les usines, dans le bâtiment ou chez les aides à la personne par exemple.

Je suis syndiquée depuis 5 ans, militante syndicaliste depuis 2 ans. Je n’ai pas (encore ?) de mandats d’élue dans mon entreprise. J’ai aussi rencontré pas mal de syndiquées de pleins de syndicats différents dans le cadre du groupe anarchiste que j’ai rejoint depuis 1 ans et demi, rencontres qui m’ont beaucoup enrichie sur mes pratiques syndicales.

Définition du syndicat

Déjà, rappelons la base : un syndicat a pour objectif d’organiser les personnes qui ont en commun un rapport spécifique d’exploitation : elles sont exploitées dans le cadre de leur travail, c’est-à-dire qu’elles sont obligées de vendre leurs forces de travail pour vivre. Le syndicat est là pour défendre les intérêts des salariées, que soit d’un point de vue individuel ou collectif. Il peut accompagner lors des entretiens, aider lors des conflits, conseiller sur les avenants du contrat de travail, etc.

Il peut intenter des actions en justice en son nom.

S’il est représentatif, le syndicat peut négocier les accords d’entreprise (ou de branche ou national) et désigner des élus au Comité Social d’Entreprise. Ce dernier est surtout connu pour les actions culturelles et sociales, du type chèques vacances, voyages organisés, etc. mais a aussi un rôle de droit d’alerte et de veille concernant la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariées, et donne un avis sur les décisions stratégiques de l’entreprise (formations, investissements, aménagement…).

De plus, le syndicat participe à la gestion des caisses de sécurité, de retraites et de chômage, à parité avec les patrons.

La base du syndicat est le syndicat d’entreprise : celui qui organise les salariés d’une même entreprise. Des fois, la base peut être plus petite, un site par exemple. Les syndicats d’entreprise sont regroupés par :

  • convention (ex : Bureaux d’études, Santé, Éducation, Métallurgie, …). On appelle ce regroupement la « branche professionnelle ».
  • localité. On appelle ce regroupement l’Union Locale » (ou UL). Les unions locales sont elles-mêmes fédérées en Union Départementale (ou UD).

Ainsi, un syndicat d’entreprise est rattaché à la fois à une branche professionnelle et à la fois à une union locale, et de la même façon, un ou une syndiquée est rattachée à à une branche professionnelle et à une union locale (via son syndicat d’entreprise).

Par exemple, une syndiquée aide soignante travaillant dans une EHPAD sur Villeurbanne sera rattachée à la fois à l’UL de Villeurbanne (qui est rattachée à l’Union Départemental du Rhône) et à la Fédération de la Santé.

En fait, cette organisation sur deux bases colle au fonctionnement de la CGT. J’ai l’impression que Solidaires est structuré plus ou moins sur le même principe, avec un accent particulier sur l’indépendance des syndicats de base. M’enfin, sans certitude. Si quelqu’un-e de Solidaires ou de CNT passe par là…

Se syndiquer… mais dans un syndicat de combat

Une fois ceci exposé, il y a deux types de syndicats (définition toute subjective) :

  • Ceux qui accompagnent la casse sociale pour « limiter les dégâts »
  • Ceux qui veulent créer des rapports de force avec le patronat pour lutter contre le recul et/ou gagner de nouveaux droits

Il s’agit pour moi d’une différence idéologique forte, qui va impacter la stratégie et les pratiques.

Il est facile de différencier syndicat d’accompagnement d’un syndicat de lutte. Le premier va mettre en avant sa qualité de « partenaire social », et les notions de « négociations » et d’« accords gagnant-gagnant ». Scoop : il n’y a jamais d’« accord gagnant-gagnant ». Comme déjà discuté, les patrons n’ont pas les mêmes objectifs que les salariés. Si c’est gagnant pour l’un, c’est perdant pour l’autre.

Le deuxième mettra en avant la nécessité d’un rapport de force et le collectif. Typiquement, il ne signera jamais un accord moins bon qu’un existant.

Un conseil : FUYEZ les syndicats d’accompagnement, même si vous ne souhaitez que poser des questions sur vos conditions de travail. Ce type de syndicats aura une analyse individuelle des situations, sans volonté de changer les aspects organisationnels et managériaux.

Comme syndicats de combat, on peut citer : les CNT (il y en a plusieurs), la CGT, Solidaires, STJV (Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo) …

Le choix d’un syndicat en particulier dépendra de son rapport à la fédération, à l’importance de la stratégie révolutionnaire via la lutte au travail, à la préférence entre un syndicat plutôt interprofessionnel ou spécifique à sa branche… Le plus important, à mon avis, restant une présence combative dans son entreprise.

A titre personnel, j’ai choisi un gros syndicat qui communiquait sur les conditions particulières des ingénieures et qui avait le plus de chance d’être implémenté dans ma branche. J’y suis restée car il s’agissait du seul syndicat de lutte dans mon entreprise actuelle.

Se syndiquer… et en l’absence de syndicat de lutte dans ma boite ?

Première possibilité : créer son syndicat dans son entreprise. Dans ce cas, le plus simple il me semble est de se mettre en contact avec l’union locale qui pourra vous aider à former un syndicat et à vous mettre en contact avec d’autres syndiquées. Au niveau légal, il est tout à fait possible de lancer des initiatives de lutte, comme déclarer une grève, sans être affiliée à un syndicat. Cependant, l’exposition et le risque de répression ne sont pas à négliger, être affiliée à un syndicat permet de moins se sentir seule face aux patrons.

Deuxième possibilité : militer au sein de l’union locale ou départementale. Dès le moment où on cotise, on est affiliée à une union locale et à une branche. Les bonnes volontés sont les bienvenues pour aider à un collage, ouvrir une permanence, aider à l’organisation d’une manifestation, représenter l’union au sein d’un collectif, tenir un barbecue, etc.

Bon, c’est la théorie. En pratique, il existe comme partout des réticences aux changements. Avant de tout bouleverser, mieux vaut montrer pattes blanches 😉

Troisième possibilité : juste cotiser, sans militer. En fait, c’est déjà bien : on finance les locaux, les salariées, le matériel comme les affiches, et on donne du poids aux syndicats au niveau local et national. Comme on dit souvent, la thune est le nerf de la guerre.

Se syndiquer… et si je suis précaire ?

Eh bien, il existe des syndicats de précaires, comme le Comité National CGT des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires ou l’union Solidaires Précaires. De plus, comme pour le cas ci-dessus, il est aussi possible de s’investir dans les unions locales ou départementales.

Bon à savoir : de plus en plus d’initiatives existent pour organiser les personnes précaires ayant en commun des conditions de travail particulières : intermittentes du spectacle, sans papier, livreurs et livreuses à vélo, aides à domicile, etc. ça bouge dans les syndicats, et c’est grâce aux militantes et militants des Unions Locales et Départementales.

Se syndiquer… c’est bien. Militer c’est mieux.

Comme écrit un peu plus haut, prendre sa cotisation est déjà d’un grand apport. Néanmoins, un peu partout, on peut constater la difficulté de lutter dans les entreprises : le patronat dicte son planning, les urgences s’empilent et le nombre de bras disponibles n’est pas forcément là. Et plus on est noyé, plus il est difficile de faire fonctionner démocratiquement le syndicat et moins de personnes se sentiront les bienvenues…

Sans parler de la répression syndicale : être active syndicalement peut donner l’impression d’avoir une cible sur sa tête. Avant de s’investir, je pense qu’il faut bien mesurer quelles sont nos limites. Désolée pour le plombage d’ambiance… D’où la nécessité d’être beaucoup de cotisants. Plus on est nombreuses, plus le risque de répression est faible car plus on sera fort dans la boite.

Il existe une multitude de tâches, qui sont plus ou moins exposantes, sans forcément être élue du CSE : écrire des tracts, faire la mise en forme, tenir des permanentes, distribuer des communiqués, acheter le café pour le piquet de grève, tenir à jour le site internet du syndicat, analyser les résultats des élections, animer des formations, discuter avec les collègues sur les conditions de travail, etc. Il y aura forcément un truc utile sur lequel on a envie de bosser.

De plus, important à savoir : les élus du CSE et les déléguées syndicales ont des statuts protégés dans l’entreprise, ce qui n’est pas le cas pour les autres membres d’un syndicat. De plus, les élus du CSE et les déléguées syndicales ont droit à des heures de délégation, c’est-à-dire des heures payées pour effectuer leur travail syndical. Du tout bénef’.

Se syndiquer… mais les élues sont à la ramasse !

Une petite anecdote avant de continuer : dans ma première boite, un de mes collègues était victime de harcèlement moral par son manager. En fouillant un peu, j’apprends qu’il y a un délégué syndical au siège social de ma boite. Super, on va pouvoir avoir de l’aide ! J’appelle le délégué. Il me propose de nous voir lors de la soirée d’entreprise, où seront présents le manager harceleur et le PDG. Sans commentaire.

Il est possible que les élus de son entreprise ne soient pas à la hauteur : investissement uniquement dans les œuvres sociales du CSE, agresseurs, élus pro-management, etc. De ma (petite) expérience, la plupart des élues font comme ils peuvent un sacré boulot de terrain et de lutte. N’empêche, on peut toujours tomber sur la minorité pas top.

Dans ce cas, mieux vaut alerter l’Union locale ou l’Union départementale sur le problème, qui pourra vous aider à le régler. Quitte à en créer un de vous-même à côté, comme ce qui s’est passé à la Mairie de Paris.

Conclusion

S’organiser n’a rien de naturel ou de facile. Le cadre du travail n’est pas un environnement facile, avec des risques répressifs pouvant être importants.

Cependant, les syndicats offrent un moyen pour lutter au sein de sa boite, pour améliorer nos conditions de travail qui, trop souvent, nous pourrissent la santé et la vie. Plein de tâches militantes sont possibles, en fonction de nos envies et de nos limites.

C’est un formidable apprentissage de vie, un moyen de récupérer du contrôle au sein de cette machine qui tente de nous broyer le plus possible pour en extraire le jus, et retrouver du sens et de la dignité à notre travail.

En bref, de regagner la force du collectif.

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