Avant-propos : j’ai hésité à publier cet article car, syndrome de l’imposteure n’aidant pas, je ne participe à aucun collectif écologiste faute d’énergie. Je me dis qu’il reste intéressant, mais l’objectif n’est en aucun cas de donner des leçons, juste de présenter la stratégie qui me semble la plus pertinente.
Vous vous rappelez des manifestations pour le climat ?
Où on criait : « on est plus chaud, plus chaud, plus chaud que le climat » ou encore « des petits pas, des petits, ça suffit pas ». Et puis on avait nos pancartes « destroy patriarchy, not the climat » ou bien « l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage », « sauvez la planète, mangez un riche ! », …
Et puis, la désillusion. Le COVID est passé par là, la diminution des luttes allant avec, la présence décomplexée de l’extrême droite, et les agressions sexistes et sexuelles traitées par dessus la jambe par le seul mouvement politique à gauche (sans compter… tout le reste) en capacité d’opposition électorale.
Alors, on fait comme tout était joué, prise au piège dans les rets électoralistes et sans visée stratégique.
Et on rejette tout.
On est passé de « ça suffit pas » à « ça sert à rien », de l’espoir à l’éco-anxiété voire le m’en-foutisme blasé.
Des luttes locales vers les luttes globales
Or, la lutte est toujours nécessaire. Nous surfons sur une catastrophe écologique et c’est à nous de faire en sorte de ne pas se crasher.
Je ne comprends pas comment on pouvait croire que les manifs en soi allaient tout régler. Pour moi, leurs objectifs n’avaient jamais été de faire ouvrir les yeux de politicien·ne·s sur la crise que nous traversons. Iels le savent très bien. C’est juste que leurs objectifs ne sont pas concordants avec les nôtres.
L’objectif d’une manifestation est la visibilité : garder le sujet dans les esprits et dans les médias, montrer que nous ne nous laisserons pas faire et puis nous compter. Cependant, elle ne permet pas en elle-même de changer la société. Il s’agit juste d’un moment iceberg, de retrouvailles, où on se dénombre avec joie.
Le travail de sape et reconstruction est, à mon avis, plus long et passe par les luttes locales.
Par exemple, dans une grande ville comme la mienne, l’importance devrait être mise sur la gratuité des transports en commun, la réduction drastique des voitures, la présence de verdures à la place du béton ou encore de la sauvegarde et la création de jardins communs.
Dans la petite ville comme celle de mes parents, on parlera plus du partage de l’eau et de l’absence de transports en commun. En campagne, ce sera encore différent.
A partir de là, on obtient, à force de lutter ensemble, des groupes où de la solidarité se crée. Seul un collectif solide, une confiance au sein du groupe, confiance grandie dans le terreau de la lutte locale, pourra permettre de passer à plus haute échelle, pour embarquer le plus de monde possible. Pour ce dernier point, la démocratie est primordiale : il s’agit du meilleur outil pour l’implication de toustes.
Et là, les gens qui me connaissent vont me rétorquer que j’ai le même discours que pour les syndicats. Eh bien, oui : quels que soient les combats, ce n’est que localement que l’on touche les problématiques concrètes des personnes et que l’on peut créer des liens assez solides pour faire face à la répression qui essayerait de nous noyer.
Et dans tous ça, les petits pas ?
Je vois les petits pas comme un moyen de s’habituer à la société que nous voulons : une société prenant en compte la limite des ressources.
Bien sûr que le tri a été poussé par l’industrie des emballages pour faire payer le coup de la gestion des déchets à la société plutôt que de les prendre en charge par les créateurs des déchets : les entreprises. En plus, les tas de déchets crament régulièrement – quand ils ne sont pas envoyés dans des pays pauvres.
Bien sûr que tout le monde ne peut pas se permettre d’acheter local ou bio, vu les prix tellement plus élevés que les biens jetables fabriqués à l’autre bout du monde.
Bien sûr que des endroits sont inaccessibles en transport en commun ou en vélo, ou même que des personnes sont obligés de prendre la voiture pour des raisons de santé, ou de traumas.
Bien sûr que des petits pas sont prescrits aux plus précaires par les plus nanti·e·s, alors que les premier·e·s en font déjà par nécessité économique et que les deuxièmes moralisent sans rien diminuer de leur train de vie.
Sauf que diminuer la viande et le poisson, et les transports individuels polluants, essayant de localiser sa bouffe et ses biens ont un réel impact sur la pollution, l’utilisation d’énergie et la production de gaz à effets de serre.
Peut-être qu’il pourrait s’agit d’un nouveau combat : la possibilité de toustes de vivre bien dans le respect des limites de notre planète, en prenant en compte le fait que nous ayons des besoins différents ?
Et si vous avec le luxe de ce choix, pourquoi ne pas le prendre ? Sans pression, en évitant le plus possible la course à la perfection et en gardant en tête qu’il s’agit d’un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre et qu’en soit, les petits pas, ou les grands traversées cyclistes, ne suffisent pas.
Sources/Pour aller plus loin
- Brochure « Elections piège à cons ? » d’Aude Vidal
- Podcast Présage # 36 – Béné : du zéro déchet à l’écologie radicale
- Article « Eh bien, recyclez maintenant ! » de Grégoire Chamayou sur le Monde diplomatique
- Le site de L214 sur la viande
- Article « Mégabassines : « Les pouvoirs publics démultiplient les effets des sécheresses » par E. Clévenot sur Reporterre
- « Enfin le guide pour militer de façon vraiment lutte des classes c’est à dire sans bourge dans ses rangs. » par sur Fina (traduction/résumé d’un article du collectif Class Matters)
Et pour le plaisir des Vulves Assassines :
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