Des fois, j’ai envie de tout claquer. Quitter la grande ville pour une petite maison avec jardin dans un coin perdu, quelque part sur un plateau montagnard.

Oublier les bruits des voitures.

Oublier les sacs de couchage sous les porches et les tentes sous les ponts.

Oublier les pétards à toute heure.

Oublier les violences policières, les LBD et les lacrymogènes qui brûlent les yeux et la gorge.

Oublier les « Hey mademoiselle, t’as un 06 ? » qui se transforme en « Salope ».

Oublier la chaleur des rues grises.

Oublier le stress du boulot.

Oublier les exhibitionnistes.

Oublier le pavanement des riches, fiers d’avoir appauvri d’autres.

Oublier les violences vécues par cette femme, horreurs que lui a fait subir son mari en toute impunité.

Oublier les SUVs qui essaient d’écraser les personnes à pieds et à vélo.

Oublier les contrôles d’identité à la tête et à la couleur de peau.

Oublier les autocollants néonazis.

Oublier la justice aveugle face à cette femme qui hurle dans le vide.

Oublier les malentendus et les incompréhensions face aux autres.

Oublier les hommes qui se promènent avec des barres de fer pour que d’autres puissent imposer des relations sexuelles sans s’inquiéter.

Oublier les mains au cul.

Oublier les squats qui brûlent.

Oublier les viols dans les centres d’hébergement.

Oublier l’odeur des pots d’échappement.

Oublier la peur.

Oublier la colère.

Un peu de Trièves

Et je passerais mes journées les mains dans la terre et à écrire. J’observerais mon chat observer les herbes mouvantes. J’apprendrais à reconnaître les chants des oiseaux. J’écouterais le tintement des cloches des vaches et le bruissement des feuilles. Je grimperais tous les sommets environnants et sentirais tomber dans un joyeux cliquetis les entraves autour de mon cœur. Et le soir, je regarderais le soleil se coucher sur les falaises qui prendront des reflets dorés. Mon compagne poserait alors la tête sur mes genoux et nous regarderions la voie lactée se lever sous les murmures de la nuit.

L’Obiou

Sauf que des gens continueront à dormir dans les rues.

Sauf que les femmes continueront à être considérées comme des paillassons.

Sauf que les gens qui lèvent la tête seront toujours réprimées à coup de matraque.

Sauf que des personnes continueront d’être systématiquement considérées comme coupables de ne pas avoir la bonne couleur de peau et d’être discriminées et d’être agressées.

Sauf que des gens continueront à galérer pour se nourrir à la fin du mois.

Sauf que.

Collage à Mens : “Une maison vide. Six mois pour trouver un logement”

Et peu de personnes ont les moyens de prendre la tangente dans un coin perdu, quelque part sur un plateau montagnard.

Alors je reste, encore un peu, jusqu’à la prochaine fois, en fleurissant mon balcon.

Une fleur de balcon

PS : j’ai eu envie d’écrire ce texte suite à l’écoute du podcast « Ecoféminisme, 1er volet : Défendre nos territoires » , quelque part sur la route du Trièves. C’est beau, le Trièves.