Je pense que tout le monde cache un petit secret honteux. Une contradiction avec ses valeurs, un truc que l’on glisse sous le tapis quand des amies viennent dîner à la maison, une passion dévorante que l’on assouvit quand personne ne regarde. Nous sommes humaines après tout.

Plus exactement, nous vivons dans une société traversée par des systèmes d’oppression multiples, dans lesquels nous avons été façonnées dès la naissance et dont la suppression se joue sur le long terme, et nous essayons d’y vivre comme nous pouvons en attendant le grand soir.

Par exemple, j’ai un amie zéro déchet, une vraie de vraie qui utilise du dentifrice solide, mais impossible de lui faire lâcher son pot de Nutella.

Une autre très engagé dans la lutte sociale et le Made In France, mais qui a un nombre improbable de goodies Harry Potter fabriqués par des enfants asiatiques…

Eh bien, moi, c’est les shojos.

Le shojo, c’est la vie

J’adore les shojos. De tous types. Ceux qui se passent dans un monde historique, fantastique ou très contemporains, ceux plus adultes ou très lycéens, les tranches de vie, les histoires entre hommes ou entre femmes…

Mais aussi les romances, dont malheureusement l’histoire pourrait souvent se résumer ainsi : une fille pauvre (avec du caractère ou non, plutôt non) se retrouve par un hasard dans un lycée très riche/entreprise de technologie (barrer la mention inutile) et finit en couple avec le beau gosse du lycée/le bel héritier ténébreux/le sombre immortel (barrer la mention inutile), qui est aussi un gros bitard.

Oui, Hana Yori Dango, c’est à toi que je pense.

Et cette dernière catégorie est très présente parmi les shojos. Sauf que l’on va pas de mentir, la représentation de l’amour est problématique dans ce type de mangas : un homme violent et possessif qui tisse sa toile d’emprise autour d’une femme, elle-même dans une situation précaire. Ce schéma n’est bien sûr pas propre aux mangas, cette histoire type se retrouve aussi dans les romans ou les films romantiques.

« Entends la Nuit » de Catherine Dufour politise ce type de romances à l’eau de rose. Enfin.

Oui, c’est possible.

De quoi ça parle ?

« Entend la nuit » raconte l’histoire de Myriame, une jeune femme nouvellement embauchée dans une entreprise à Paris. Elle y retrouve sa mère, abonnée au chômage longue durée suite à un cancer, et connaît les joies du monde du travail : flicage avec l’application maison, boulot sans objectif, cheffe despotique, bureaux délabrés…

Et commence une romance toxique avec le beau et ténébreux Duncan Vane-Tempest, compte d’Angus, haut-cadre de l’entreprise et qui, comme tous les haut-cadres de cette boite, se révèle être un immortel non-humain, un lémure.

Myriame est une personnage qui se démerde au mieux avec les cartes qu’elle a en main. C’est la définition même de la survie.

La relation, pétrie de violences psychologiques et physiques (attention, il y a des scènes de violences, dont sexuelles, dans le roman) de la part de l’immortel riche – et de ses sbires – sur la jeune femme précaire, n’est jamais glamourifiée. Et elle se termine comme elle se doit : par un beau feu de joie.

Bref, il y a des remises à l’endroit qui font du bien.

Oh, et ça parle de Paris bien sûr.

PS :

Je suis à la recherche de romances non sexistes et je suis preneuse de tous conseils 🙂

Pour aller plus loin :

Et sur les contradictions propres des militant·e·s, un extrait de l’Abécédaire du documentaire « Je ne suis pas féministe, mais… » de F. et S. TISSOT:

“D comme Désengagement”, interview de la militante féministe C. Delphy par S. Tissot