Point d’attention : ce texte abordera le viol et le plaisir subi. Si vous avez besoin d’aide, vous pouvez appeler les numéros suivants :
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L’Aube raconte l’enlèvement des derniers humains vivant par des extraterrestres. Deux cents cinquante ans après son enlèvement, Lilith est Éveillée. Elle a été choisie pour servir de guide aux autres humains pour leur permettre la survie sur une Terre redevenue sauvage. Elle doit d’abord apprendre à vivre avec ses ravisseur·e·s – qui ressemblent à des limaces de mers bipèdes – avant de rencontrer de nouveau des humains. Mais en échange de leur sauvetage, les Oankali, expert·e·s en génétique, demandent aux humains de s’hybrider avec elleux.
L’Aube est le deuxième roman d’Octavia E. Butler que je lis. Je retrouve les points positifs et les points négatifs du livre « La parabole du semeur ».
Les grandes forces son les liens inter-personnages, la complexité des protagonistes qui sont ni bons ni mauvais, la force des personnages féminins, et celles des questions philosophiques posées : qu’est-ce qu’être humain ? Peut-on vivre hors de la violence ? Comment vivre avec différent que soi ?
Les Oankali sont foncièrement autres, physiquement avec leurs tentacules sensorielles, socialement, linguistiquement. Par exemple, leur vaisseau est vivant et les Oankali ne mangent pas de viande. Ou encore, il existe un troisième sexe neutre qui a une grande importance dans la sexualité de ce peuple. Comment accepter vivre, s’hybrider avec des êtres si éloignés des êtres humains ?
Les points que j’ai moins aimé sont les choix politiques de considérer le leader (ou plutôt une leadeuse) et la technologie comme des solutions à la pseudo-tendance des humains à la guerre, mais aussi l’absence de prise en compte des questions gays, bies et lesbiennes : les couples ont pour but la reproduction et sont tous hétérosexuels. Même chez les Oankalis, le mâle est appareillé à une femme via le neutre (appelé ooloi). Ok, on a un trouple, mais pourquoi pas deux femelles et un neutre, ou deux mâles et un ooloi ?
Et surtout, j’ai été horrifié et très en colère par le traitement du viol.
Les Oankali ont des relations sexuelles très éloignées des nôtres : l’ooloi se met entre le mâle et la femelle et se connecte à elleux via des bras sensoriels. Toutes les sensations de l’une ou de l’autre passe par l’ooloi, qui les stimule aussi chimiquement. Cette façon de faire l’amour est très intéressante, notamment en se passant de pénétration et en mettant au centre le plaisir des trois partenaires.
Sauf quand la relation est forcée. Dans plusieurs scènes, les humains sont obligé à avoir des relations sexuelles à la façon Oankali. Hommes et femmes sont droguées, puis manipulés par les oolois pour avoir une relation sexuel entre elleux : chaque coupe hétérosexuel a une relation sexuelle avec un ooloi via cette connexion extraterrestre qui permettrait, en donnant beaucoup de plaisir, aux humains de mieux accepter les extraterrestres.
Or, rappelons la base : quand une personne est droguée et manipulée, elle ne peut pas donné un consentement éclairé. Une relation sexuelle dans ce contexte s’appelle un viol. Et ce n’est pas parce que le corps répond au plaisir que la personne est consentante. Le plaisir n’efface pas le viol.
La protagoniste principale participe même à deux reprises au viol de son compagnon. Car oui, s’il est drogué et n’est pas en état de dire un oui franc, c’est un viol. Même si son corps répond aux stimuli sensoriels.
Certains hommes répondent mal à ces relations sexuelles forcées (VIOL). Pour la personnage principale, le problème viendrait de leur croyance erronée que les ooloi sont des mâles, alors qu’ils sont neutres. Et là, j’ai envie de lui hurlé dessus : « Meuf, le problème vient qu’il s’agit de VIOLS, pas dans la peur d’avoir eu des relations homosexuelles ».
Au déni du viol, s’ajoute donc les réactions homophobes de la personnage principale.
J’en ai vraiment marre des traitements par-dessus la jambe des violences sexuelles. Je m’attends à mieux.
Pour sa défense, ce livre a été écrit en 1987, donc bien avant #MeToo. Cependant, des livres de cet époque traitaient mieux les relations non-hétérosexuelles et le viol, comme les Dépossédés d’Ursula K. Le Guin datant de 1974 : il y a des personnages gays et, même si la tentative de viol me semble mal amenée, elle n’est pas considérée comme une relation normale. Et oui, le mouvement des droits des femmes des 70’s passait par là…
En conclusion, l’Aube est un roman avec des aspects très intéressants, avec des questions sociales et politiques importantes, des personnages bien écrits, mais à mon avis gâché par le traitement du viol et les solutions politiques guère innovantes.
Pour tout dire, je pense même arrêter d’essayer les livres d’Octavia E. Butler et continuer ma recherche d’autrices non-blanches de l’Imaginaire sans elle.
Note : cette chronique a été écrite dans le cadre de la 11e édition du « challenge de l’Imaginaire » lancée par la blogueuse de « Ma Lecturothèque ». Merci à elle pour cette idée !
Ma Lecturothèque
C’est en effet dommage que le viol soit si mal traité dans ce roman. Je pensais que c’était le résumé qui était maladroit, qu’il laissait entendre des choses pas cool mais j’étais à la fois bien loin et très proche de la vérité ! On m’a conseillé Octavia E. Butler a plusieurs reprises ; je ne crois pas que j’avais entendu parler de ce roman auparavant, ou je ne m’en souviens pas. En tout cas, maintenant, je m’en rappellerai et je saurai que celui-ci n’est pas pour moi. Merci pour ton retour et tes piqûres de rappel sur le viol.