Sweet Harmony est un roman de Science-Fiction écrit par Claire North. L’histoire se passe dans un futur proche, où les nanotechnologies sont omniprésentes, que ce soit pour des raisons de santé, par exemple pour fluidifier le sang afin d’éviter les AVCs, ou pour des raisons esthétiques par des changements corporels, comme avoir un ventre plat.
La protagoniste, Harmony, est une femme qui a soigneusement choisi ses améliorations (« extensions ») pour atteindre l’image qu’elle a de la perfection – et imposée par une société patriarcale. Sauf qu’un jour tout déraille : un bouton d’acné apparaît sur son visage. Ce sera le début d’une longue déchéance.
Car que se passe-t-il quand on ne peut plus payer ses extensions et que les dettes sont trop importantes pour les rembourser ?
C’est une histoire sur le libéralisme où l’individualisme est roi, où l’économie prend en étau les gens et où l’idéologie du self-(wo)man est omniprésente. Elle méprise les personnes n’ayant pas choisi d’extension pour « améliorer » leur physique, qu’elle rend responsable de leur propre place subalterne, comportement typique dans un monde libéral.
C’est aussi une histoire sur la patriarcat. Harmony commence à louer des extensions suite aux remarques d’un homme puis tombe sous l’emprise d’un autre homme. Sous couvert de la liberté, les choix sont biaisés par le cadre patriarcal et seront même imposés par son conjoint, jusqu’à la mettre en danger. Évoluant dans un monde masculin, la seule autre femme de son entreprise balance entre aide et rejet à son égard dès que Harmony sort du modèle de self-women. Loin d’une réelle sororité.
La narration à la troisième personne focalisée fait des allers-retours entre passé et présent, permettant de comprendre le parcours de la personnage et les causes de ses actions. L’écriture est fluide.
Comme on peut s’en douter, ce n’est pas un livre feel-good. Harmony porte un regard cruel sur les autres et sur elle-même, avec pour conséquence une faible empathie de ma part. Des passages sont même repoussants, comme celui de la bataille de nourritures où des panses de mouton farcies sont balancées entre convives. De plus, la fin n’est pas du tout un happy-end.
Alors, est-ce que je conseille ce roman ? Eh ! Bien, oui. Ce livre secoue. Cette dépendance au regard masculin, cette cruauté envers son propre corps, la grossophobie, le « si on veut, on peut » m’ont parlé car je les ai vu (et vois encore) chez moi, comme je les retrouve chez mes sœurs et mes amies. Heureusement, les luttes féministes et collectives permettent peu à peu de s’en extraire.
En résumé, ce roman dérange par plusieurs aspects et en accentuant certains traits, il met la focale sur des aspects peu reluisants de notre société actuelle, libérale et patriarcale. En creux, il rappelle l’importance du collectif et de la solidarité, en particulier de la sororité, et des luttes féministes.
En cette période, ce n’est pas du luxe.
Note : cette chronique a été écrite dans le cadre de la 12e édition du « Challenge de l’Imaginaire » suivie par la blogueuse de « Tornade de lecture». Merci à elle !
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