Prendre sa place.

Il s’agit peut-être du conseil le plus utile que l’on ne m’ait jamais donné sur la pratique de la bicyclette.

Il s’agit aussi du conseil qui m’a prise le plus de temps à suivre.

Photo d'Annie Londonderry, première femme a avoir fait le tour du monde en vélo
Annie Londonderry, première femme à avoir fait le tour du monde en vélo

En tant que femme, j’ai intégré très tôt que je devais prendre le moins de place possible, ne surtout pas gêner les autres, quitte à me mettre en danger.
L’utilisation de l’espace est intiment lié au pouvoir et au genre. La suite d’articles du blog Antisexisme sur les attributs du pouvoir et leur confiscation aux femmes, notamment celui sur le genre et l’espace permet de mieux comprendre en quoi la sociabilisation a un impact fort sur ce fameux « prendre sa place » (le lien c’est ici : Article Genre et espace).

Mais qu’est-ce que prendre sa place ?

C’est se sentir légitime à rouler en vélo. J’ai le droit de rouler en vélo en ville. Et même plus, j’ai le droit de rouler en sécurité. A l’allure que je veux. Je n’ai pas à me planquer, ni à m’aplatir sur le caniveau pour ne pas potentiellement faire ralentir le sacré saint SUV (si si, vous voyez, les grosses voitures, là, qui débordent de leur place de stationnement).

Et pour cela, je prends l’espace qui m’est nécessaire pour rouler en sécurité.

Concrètement, prendre l’espace se résume en 2 points :

  1. Laisser de l’espace en moi et les voitures garées à droite de ma route
  2. Empêcher les voitures de me doubler quand elles n’ont pas la place de le faire en sécurité

Et j’ai le droit. Ma sécurité et ma vie sont importantes.

Et en plus, depuis que j’ai mis en place ce principe, je suis beaucoup plus à l’aise à faire mes 12 kms journaliers qu’avant. Se sentir légitime permet d’apprécier au mieux ses voyages en bicyclette.

L’espace à droite

Pourquoi ? Parce que se prendre une portière, ça fait mal. Très mal. Et malheureusement, peu de conducteurs ou conductrices regardent dans les rétroviseurs avant d’ouvrir leur auto… (on me glisse dans l’oreillette que les conducteurs et conductrices ne regardent jamais dans leurs rétroviseurs de manière générale… à prendre en compte quand on circule, mais c’est une autre histoire!)

Donc, pour éviter cela, je laisse un espace d’au moins un mètre en mon vélo et les voitures stationnées/arrêtées à ma droite. Un mètre, c’est plus que la longueur de mon bras.
Quitte à rouler sur la ligne gauche de la bande cyclable (quand il y en a une).

Rappel : on a de la chance, un article du code de la route a même été pondu sur ce thème : Article R412-9 du code de la route

Doubler par des voitures

En ville, les voitures doivent laisser un espace d’au moins d’un mètre lorsqu’elles doublent une bicyclette (un mètre cinquante hors ville). Un mètre, c’est plus que la longueur de mon bras.
Là aussi, un article du code existe : Article R414-4 du code de la route.

A moins d’un mètre, la voiture peut me déstabiliser et là aussi, ça fait mal. Très mal.

Problème, dans certaines rues, si je laisse la distance de sécurité à droite, les voitures ne peuvent pas me doubler en respectant un mètre de distance.

Et bien, la solution est simple : elles n’ont pas à me doubler. C’est tout.

Et, malheureusement encore trop souvent, les pilotes essaieront de doubler dès qu’ils ou elles pourront glisser leur auto (coucou les taxis ninja <3)

Donc, dans ce cas, j’empêche cela en me mettant au milieu de la voie, dès que l’espace n’est pas suffisant pour qu’une voiture puisse me doubler en toute sécurité.

Oui, au milieu.

Bon, là, on va pas se mentir, les voitures, elles aiment pas ça.

Mais entre ma sécurité et le confort personnel d’un ou une conductrice pressée, je choisirai toujours ma sécurité.

En cas de klaxonnage intempestif, j’ai constaté 3 méthodes plus ou moins efficaces :

  1. Je discute avec le ou la conductrice pour expliquer le code de la route. N’étant pas une parangon de patience, j’évite. D’autant plus que suite à ma rencontre avec un gentil conducteur de taxi (oui, oui, encore un taxi…) qui a menacé de m’exploser la tête sur le bitume, je ne suis pas sure que cela en vaille la peine et le temps. Mais ça, c’est à vous de voir.
  2. Je sors mon beau salut Miss France de la main, et je continue de rouler comme si de rien n’était, car je le répète, j’ai le droit de rouler en toute sécurité. C’est ma méthode préférée.
  3. Je m’arrête en sécurité sur le coté (en indiquant avec le bras la direction où je vais) pour laisser passer la voiture. Cette méthode est à privilégier si l’on sent que la personne derrière s’énerve trop et que l’on ne sent plus en sécurité sur la route. Car le plus important, ce n’est pas d’avoir raison. C’est de rouler en sécurité.

Prendre l’espace mais pas celui des autres

Le fait de prendre sa place n’est pas une raison pour empiéter sur celui des autres, notamment des plus fragiles :

  • Si je suis sur le trottoir, je roule au pas (et oui, un article du code de la route le permet: Article R431-9 du code de la route)
  • Je ne remonte pas les pistes cyclables à contre sens (oui les bandes cyclables ont un sens…). C’est pas cool pour les copains et copines qui devront se mettre en danger pour me laisser passer
  • Je m’arrête pour laisser passer les gens sur les passages piétons, sauf si je suis collée par une voiture.
  • Je double les piétons et piétonnes en laissant un mètre de distance entre elleux et moi, et j’indique aux bicyclistes derrière que je m’écarte avec le bras

Conclusion

Prendre sa place, c’est se donner le droit de rouler en sécurité. Pour cela, je laisse au moins un mètre à droite entre les voitures garées stationnées/arrêtées et moi, j’empêche les voitures de doubler si celles-ci ne peuvent pas le faire de façon sécurisée et je respecte les plus fragiles.

Et bien sûr, je m’adapte en fonction des situations, et je profite du vent sur mes joues quand je pédale.

Photo "Bermuda, 1929. Visitor seated on stone wall with bicycles. Inherited ancestors photo ", source : Wikipedia
Femme assise sur un mur de pierre, 1929