Petite aparté (pas si petit):

J’ai dérogé ici de ma règle d’airan de ne lire que de la fiction écrite par des femmes. En effet, Aiden Thomas est un homme se présentant comme trans. Est-ce cohérent d’inclure les hommes trans dans mes critères ? Je réponds à cette question par l’affirmative.

En effet, ma décision initiale n’est pas liée à l’existence d’une pseudo-écriture féminine, de romans transcendés par une essence propre aux femmes. Par contre, les romans écrits par des femmes ont souvent un point de vue non androcentré et leurs thèmes et personnages décrits dans ces œuvres – très diverses par ailleurs – sont souvent moins sexistes et moins soumises à l’objectivation par et fantasmes des hommes hétéro. Il s’agit d’une des raisons de ma décision de ne lire que des œuvres fictionnelles écrites par des femmes. Je fais le pari que ce sera le cas pour des auteurices LGBTI.

Une autre de mes raisons initiales est aussi applicable aux personnes non-binaires et hommes trans : le fait que les conditions matériels d’écriture sont plus bas que celles des hommes cis. En achetant les œuvres, je souhaite ainsi participer à ma manière à améliorer ce point. Cet argument s’applique de fait à toustes les auteurices LGBTI.

Ainsi, je vais modifier mon critère : je ne lirai que personnes se présentant comme des femmes (cis et trans), hommes trans, non-binaires, intersexuelles, hommes gays et bis.

De toute façon, je fais ce que je veux de mes règles.

Fin de l’aparté.

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Le Porte-Lumière est un roman de Fantasy écrit par Aiden Thomas et inspiré de la mythologie mexicaine. Ce roman narre l’histoire de Téo, un homme trans, qui est un demi-dieu : fils de la déesse des oiseaux et d’un mortel. Tous les dix ans, une compétition permet de sélectionner les personnes qui auront le devoir de perpétuer la protection contre les dieux traîtres : le gagnant devra sacrifier le perdant pour ensuite vers le tour des villes afin de recharger leurs protections. Ordinairement, seul·es les enfants des dieux majeurs (les Doré·es) sont sélectionné·es à participer à cette compétition. Sauf que cette fois-ci, deux demi-dieux enfants de divinités mineures (les Jades) sont sélectionné·es, dont Téo. Contrairement aux Doré·es, les Jades ne sont pas entraîné·es à cette compétition et Téo devra donc essayer de survivre avec ses propres moyens aux différentes épreuves, tout en aidant ses ami·es.

L’univers décrit est bariolé, chaque ville étant à l’image de leur dieu titulaire. J’ai eu une préférence pour celle de Fauna, où l’urbanisme est adapté à la présence d’une multitude d’animaux partout dans les rues, avec des ouvertures spécifiques, des mangeoires et couchages adaptés, ce qui donnent un aperçu d’une harmonie entre humain·es et animaux.

La nourriture a une grande place, avec de description de plats à tire-larigot qui donnent envie de découvrir la gastronomie mexicaine.

La cosmologie basée sur la mythologie mexicaine, que je connaissais peu, m’a demandé à plusieurs reprises de revenir à la présentation des dieux pour savoir qui était qui, mais là aussi ça m’a donné envie de creuser.

Concernant les personnages, j’ai apprécié leur grande diversité : hommes trans, lesbiennes, gays, non-binaires, autistes… tout comme celle des corps et des personnalités. C’est agréable de découvrir un monde où les discriminations de genre, de race, de classe sont absentes, même s’il existe une différence de traitement entre les Jades et les Doré·es.

Le personnage principal est assez attachant, têtu comme il est. Son amour grandissant, construit petit-à-petit tout le long du roman, avec un autre personnage est tout mignon. J’ai eu plus de mal avec deux personnages qui m’ont semblé très stéréotypé·es. Heureusement, une de ces personnages se complexifie à la toute fin, mais un poil tardivement pour moi.

L’écriture est efficace, du type narration focalisée à la première personne, rendant bien les émotions et les sensations de Teo. On perçoit la tension des personnages et on vit les épreuves en même temps que les participant·es.

Cependant, il y a quelques points qui m’ont gênée. Déjà, la fin est grandement devinable, il n’y a pas vraiment de surprise dès le moment où on a connaissance de l’existence des tomes suivants. Ce point n’est pas en soi vraiment problématique, ça ne me dérange pas tellement de connaître les fins.

De plus, j’ai l’impression d’avoir lu pas mal de young adults basés sur des compétitions… donc certaines choses sont déjà un peu vues.

Pour finir, et plus important pour moi, la grande révélation finale m’a semblé tordre les règles mêmes de la compétition. Il m’est difficile de continuer sans vouloir divulgacher le livre, j’ai cependant du mal avec la possibilité d’influer sur les résultats d’un jeu qui sont censés être donnés par un dieu omniscient.

En résumé, un young adult entraînant, avec une réelle diversité des personnages dont le principal est très attachant. Un roman qui, malgré un twist final me semblant contradictoire avec l’univers décrit, m’a entraîné avec lui. J’attends donc avec impatience la suite. Cependant, l’attente risque d’être longue vu que sa maison d’édition française (ActuSF) se relève d’une faillite. En espérant que les deuxième et troisième tomes seront un jour disponibles…

Note : cette chronique a été écrite dans le cadre de la 12e édition du « Challenge de l’Imaginaire » suivie par la blogueuse de « Tornade de lecture». Merci à elle !

Image avec "Challenge de l'imaginaire" écrit en surimpression du chiffre "12"
Dans la lettre C, un homme blanc et un homme noir sont dos-à-dos en regardant chacun d'un côté opposé.