Ce qui suit est un billet d’humeur qui me trottait en tête après l’écoute de l’interview de Virginie Despentes dans le (par ailleurs) très bon podcast « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon. Il va parler de système prostitutionnel, de viol et de révolution féministe.

Je ne comprends pas

Je ne comprends pas. Je ne comprends que l’on puisse nous présenter encore et encore la prostitution comme un service pour les hommes ayant des problèmes avec leur sexualité.

Quoique, de la part d’hommes et des femmes libérales, pour qui tout doit se résumer à un prix, et qui chasse loin de leur monde merveilleux du libre choix toute idée de système de domination, là, ok, je peux comprendre.

Mais de la part de femmes féministes, en colère, qui portent haut la voix des opprimé-e-s, là, je ne comprends pas.

Relations sexuelles sous contraintes

Car, c’est quoi la prostitution ? C’est une personne (très souvent un homme) qui paye une autre personne (souvent une femme, enfant, ou encore personnes gays ou trans, et souvent non-blanche) pour imposer une relation sexuelle. Oui, imposer, car sans cet argent monétaire, il n’y aurait pas eu de relation sexuelle.
C’est un acte dans lequel se joue les notions d’argent, de genre et de race (sociologiquement construite). On ne peut pas ne pas voir ça, à part porter une œillère néolibérale.
En parlant de « service », on balaie tous ces rapports de domination. En parlant de « service », on considère que la sexualité est un bien que l’on peut monétiser, et que les femmes (mais aussi les enfants, les personnes gays et/ou trans) peuvent être morcelées et ramenées à un sexe car des hommes payent pour ça. Et si des hommes payent, tout va bien, non ? (Non)

Sexualité des femmes sous le tapis

C’est aussi ramener l’équation aux seuls hommes et à leurs fameux « besoins sexuels ». Les besoins sexuels des femmes ? Sous le tapis. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on s’en fout, de la sexualité des femmes.
Si on en avait un petit quelque chose à faire, il n’y aurait pas que les féministes qui s’insurgeraient contre les viols.

200 viols de femmes.

Majeures.

Par jour.

En France.

Sans compter les enfants et les femmes âgées.

Et on sait que la plupart des victimes de viols sont des enfants. Je vous laisse imaginer le nombre total. Faut croire que c’est pas assez pour l’on mette en état d’urgence le pays. Alors, sacrifier les femmes les plus pauvres pour que des hommes puissent jouir sans entrave, c’est pas vraiment choquant. C’est dans l’air du temps.

Du côté des agresseurs

C’est aussi se mettre du même coté que les agresseurs et profiteurs : les gars qui proposent un toit à une fugueuse en échange de relations sexuelles, des managers qui vont signer entre couilles des contrats juteux au bordel, des hommes qui comparent des femmes -des enfants- à des morceaux de viande, des garçons qui construiront leur sexualité sur le fait qu’ils pourront payer pour obtenir ce qu’ils veulent, des hommes qui fermeront les yeux sur les bleus tant qu’ils pourront planter leur verge dans la chair à baise.

Sexualité et intégrité

On me rétorquera que le travail à l’usine, c’est aussi violent que de se prostituer, et que l’on monétise bien les bras des ouvrières pour les patrons.
Je ne sais pas. Je ne comprends pas cet argument.
Avoir une relation sexuelle touche à l’intimité de la personne, à sa personnalité, à son intégrité. Je ne comprends pas que puisse mettre sur le même plan la sexualité et le travail manuel. Imposer une relation sexuelle, c’est mettre à mal l’intégrité de l’autre personne. C’est ce que recherche un agresseur sexuel : déshumaniser l’autre en fissurant son intégrité.

Pour un féminisme réellement radical

Je pense cependant que nous, féministes luttant pour l’abolition de la prostitution, ne mettons pas assez l’accent contre les conditions matérielles propices à la prostitution.

Nous devons participer aux luttes contre la précarisation des conditions de vie et la mise en place des politiques d’austérité.

Nous devons demander des minima sociaux qui soient au dessus du seuil de pauvreté.

Nous devons demander l’ouverture des frontières et des papiers pour toustes.

Nous devons exiger la fin des micro-temps partiels et le passage au 32h (voir moins!?) payées 35h.

Nous devons exiger un toit pour toustes et une politique zéro SDFs.

Nous devons nous investir dans les syndicats.

Nous devons dénoncer les violences policières contre les personnes prostituées, et toutes les autres victimes.

Nous devons demander une augmentation du SMIC et des salaires.

Nous devons mettre à mal le système néo-colonialiste entre les pays Nord/Sud.

Beaucoup d’entre nous le font déjà, mais soyons plus visibles.

Bien sûr, cela ne suffira pas. Car le système prostitutionnel est un système ancré dans la domination masculine.
Il nous faudra aussi créer une sexualité joyeuse et libérée des carcans imposés par le patriarcat.
Et pour cela, il faut aussi mettre fin aux violences sexuelles.

Rien que ça.

La révolution sera féministe, ou ne le sera pas.