Azza était assise entre les lits de Zakioru et Klirus, seulement dérangée par les bruits des respirateurs et des gouttes de la perfusion qui pendaient à leur bras. Son nez cassé avait été ressoudé par le Doc’ en moins d’un jour et presque sans douleur grâce à ses pommades maison. Elle alternait la veille avec Rezol, constatant à chaque fois leur lente guérison. De temps en temps, Juli passait lui tenir compagnie entre deux corvées et racontait tout et rien pour la distraire.
Sans Juli, Azza lisait pour passer le temps, surveillant à intervalle régulier le souffle des hommes plongés dans un sommeil artificiel. La lecture n’avait jamais été son fort. Oneza avait bien essayé de lui transmettre l’amour des beaux textes mais sans vraiment de succès, il fallait bien l’avouer. La pas-encore sénatrice avait toutefois réussi à lui apprendre les lettres de l’alphabet unitaire et Azza réussissait à donner du sens dans ces symboles assemblés. À cet instant, Azza bénissait l’invention de l’écriture et celui des liseuses holographiques quand elle occupait son cerveau avec l’histoire mièvre d’un jeune couple en butte avec la société. Beaucoup d’argent pour un résultat bien décevant, mais une fuite en avant bénigne pour ne pas penser aux deux hommes alités qui se trouvaient sur la crête de la vie. A cause d’elle, encore. Ne. Pas. Y. Penser.
Elle tourna les pages de son livre en se forçant à déchiffrer les lignes les unes après les autres. Le chuintement lui fit lever la tête et elle croisa le regard d’un Naël bien sérieux. Il s’assit en face d’elle.
― Ils se réveilleront pas plus vite si tu restes enfermée auprès d’eux. Le coma leur évite de souffrir pendant que le bricolage du Doc’ fasse son effet. Ils auront droit chacun à de belles cicatrices qui feront pâmer les femmes, mais tout sera fonctionnel.
― Je sais.
― Bien. Et on peut bien vivre quelques tripes en moins, j’en suis la preuve. Le Doc’ est le meilleur dans son domaine, alors tout ira bien pour eux. Pas besoin de rester telle une jeune fille en pleurs à t’enfermer ici. Ça te va pas et tu devrais te concentrer sur autre chose.
Il lui tendit un morceau de papier froissé. Azza cligna des yeux avant de comprendre la signification de ce geste.
Elle savait. Elle savait, mais elle hésitait. Peut-être qu’elle se trompait. Peut-être était-ce une erreur depuis le début. Elle prit le morceau papier et le déplia.
« Mira Tadeli, zone Trion, système Gamma-ER-657243, palanète NIT-73842 »
Elle ferma les yeux. Elle avait eu raison. Des larmes coulèrent de soulagement. Ce n’était ni Aurore – oui, elle avait pensé même à elle dans la cellule froide du satellite-prison – ni Irami, ni Padimaq ni Mona ni aucune de ses sœurs des premières heures. Un doigt se posa sur son genou et elle souleva les paupières. Elle lisait de l’anxiété sur le visage de Kalozka penché sur elle.
― Mes doutes sont confirmés, répondit-elle à la question informulée.
― C’est qui ?
― C’était une mousse qui nous avait rejoint depuis six mois, répondit-elle en essuyant ses joues. Elle venait d’une famille aisée, elle s’adaptait mal. Irami m’avait prévenu, mais j’ai laissé faire…
Elle prit sa tête dans ses mains. Si elle avait écouté, si elle avait suivi la mise en garde de sa seconde, peut-être qu’Aurore, et Irami, et Padimaq et Mona et les autres seraient encore vivantes.
Une présence maladroite l’enveloppa. Azza respira doucement l’odeur musqué du capitaine pendant une longue minute, écoutant les battements de son cœur, et se calma. Il retourna sur sa chaise, fixant le plafond d’un air gêné. Elle l’était tout autant, sauf qu’il y avait plus urgent que d’analyser ses sentiments chaotiques.
― C’est loin, la zone Trion ?
― On y est déjà, ma belle, répondit le capitaine d’un grand sourire. Tu pourras féliciter Issam de notre célérité. Petit bémol, cependant. Notre marge de manœuvre va être très courte.
Azza leva un sourcil :
― Plus courte que prévu ?
― Yep.
Le capitaine se cala au fond de sa chaise, le sourire de plus en plus éclatant.
― Linor a bricolé un récepteur d’ondes pendant ton absence. Ton évasion tourne sur toutes les chaînes. L’Arcadie a aussi gagné en célébrité au passage, ce qui va pas arranger le business, mais bon, c’était le risque depuis le début.
― J’aurai combien de temps ?
― On arrive dans cinquante-deux heures IG, si on a pas de surprise. Puis, je te donne deux heures avec ta traîtresse, voyage compris, pas plus.
― Ça suffira.
― Je t’accompagne. J’ai perdu à la courte paille avec les volontaires.
― T’étais volontaire ? se moqua Azza.
― Le capitaine est toujours volontaire, répondit-il platement.
***
La sorcière était forte. C’était fou comme elle s’adaptait à toutes les situations. Elle savait pleurer. Elle, « La Rouge », la rebelle connue pour son implacabilité en combat. Elle était humaine en fait. Naël avait été paniqué – et touché – par la scène de l’infirmerie. Il ne savait pas s’il aimait ça ou non. Plus de trois mois qu’elle s’était immiscée dans l’équipage et il n’arrivait toujours pas à se décider s’il voulait qu’elle restât ou non. Bon, en réalité, il avait déjà pris sa décision depuis quelques semaines et il avait commencé à tâter le terrain le plus discrètement possible.
Artur lui tapota l’épaule. C’était son tour de prendre la parole. Naël gagna le centre de l’assemblée. Il détailla point par point le déroulement des futures heures IG : la préparation, l’atterrissage sur la planète de sel, la rencontre, le départ, la fuite. Il aborda la possibilité d’un accueil armé, peu probable à l’heure actuelle, mais aussi, il ne parierait pas contre, l’arrivée de forces armées après qu’un zélé de l’ordre les eut appelé en reconnaissant l’Arcadie. Cette éventualité souleva quelques railleries gouailleuses à l’encontre des forces armées de l’intérieur qui firent rire toute l’assemblée. Même la sorcière souleva un coin de bouche.
Naël revint en détail sur la fuite. Il avait vu trop des siens crever par manque de préparation de cette phase, pourtant critique, pour ne pas insister dessus. Et donc il insista. Sur les différentes portes intersidérales bidouillées avec amour par le hacker et les chemins pour les atteindre, sur les flottes fédérales d’intervention taillées pour la course poursuite, sur l’état de chargement des canons lasers, sur la préparation du module individuel pour la sorcière, sur l’obéissance absolue au second en son absence, sur la nécessité de rapidité et d’efficacité. Puis, quand ils s’en seraient tous tirés, ils navigueraient vers la destination la plus convoitée des aventuriers spatiaux.
Et tous quittèrent l’assemblée les yeux rêveurs, imaginant la planète des origines. Leur planète. La Terre.
Il y avait beaucoup à faire en peu de temps, et soudainement, du moins à ce qui semblait à Naël, apparut un système stellaire à cinq planètes. Elles gravitaient autour d’une étoile à la lumière bleutée. Celles qui étaient les plus proches du soleil n’étaient pas vivables. Ce qui intéressait l’équipage était la cinquième planète, la plus éloignée de l’étoile. Son sol était d’un jaune tirant sur l’ocre. Des grandes plaques blanches étaient visibles sur les pôles.
Le vaisseau traversa à grande vitesse le système et se plaça en orbite autour de la planète désertique. Naël entra dans le sas de sortie et fut rejoint par la sorcière qui avait gardé l’uniforme noir des matelots. Sans un mot, ils enfilèrent leur combinaison. Elle ne devrait être d’aucune utilité dans le module mais, ce dernier étant beaucoup plus fragile aux impacts qu’un vaisseau, le port de ces inconfortables habits avaient été une mesure votée à l’unanimité. Naël ne pouvait qu’approuver. Il avait été témoin de la survie plus qu’inespérée de ses anciens soldats due à cette disposition.
Ils pénétrèrent tous les deux dans le module et s’emboîtèrent comme ils purent entre les différents leviers. Le module avait été taillé pour une seule personne, alors la sorcière se cala entre les jambes de Naël. Il remercia la rugosité de la combinaison qui empêchait mécaniquement de faire honneur à la présence insistante du corps tant désiré. Pour ajouter au confort, il se mit à suer à grosses gouttes à cause de l’étanchéité de la combinaison. Heureusement, le petit ronronnement de la combinaison indiqua que le système de refroidissement s’était mis en marche.
Le module se sépara de la coque du navire dans un bruit de succion. L’ancienne rebelle mit en marche le moteur et prit les rênes du petit engin. Le voyage se passa en silence, ce qui était relatif vu les vrombissements et les bips perpétuels qui emplissaient la cabine. La surface de la planète grossissait devant eux jusqu’à pouvoir distinguer à l’œil nu les constructions humaines, qui en avaient modifiées la face. Les mines de sel formaient des grandes cicatrices circulaires et régulières autour des plaques de sel. Non loin de ces plaies, Naël distinguait des bulles vertes de vie isolées les unes des autres. La traîtresse vivait dans une de ces bulles, correspondant aux villas entourées de champs qu’avait décrites Issam lors de son speech de mise en orbite.
Ballotté par des rafales, le module atterrit dans une gerbe de poussière qui s’éloigna en grands tourbillons. Selon les données recueillies par Issam, la planète avait une atmosphère respirable et une température froide. La jeune femme se glissa hors du module avant de retirer la combinaison, imité par Naël. Il vérifia le chargement de son maser. L’air froid lui piqua les narines et son souffle se condensait en de petites fumerolles très vite chassées par le vent. Naël ajusta son cachez-nez puis, sans un mot, ils épaulèrent chacun leur sac et se mirent à courir en direction du sud d’un pas léger. La bulle de la traîtresse n’était qu’à deux kilomètres. Une mise en jambes ne pouvait que faire du bien après être restés immobiles une demi-heure dans une position inconfortable.
Par moment, leur avancée était rendue difficile par des rafales poussiéreuses. Naël en avait les jambes coupées et la poussière pénétrait sous ses vêtements. A son grand soulagement, ils atteignirent vite le dôme qui englobait le village. Il réprima un rire à la vue de sa voisine recouverte de poussières blanches des pieds à la tête. Quoique, vu les yeux moqueurs de Yuka, il ne devait guère se présenter mieux. Après s’être redonné un visage vivant, Naël sortit un pistolet à plasma et découpa la surface plastifiée du dôme. Comme souvent sur les mines de sel, l’infrastructure de la planète était vieillissante. Avec de la chance, l’alarme ne fonctionnait plus depuis longtemps.
Tous deux se glissèrent dans l’ouverture créée. Une légère humidité était perceptible et la température était nettement plus agréable que dans le désert extérieur. Ils empruntèrent d’un air détaché le chemin bordé d’arbres portant de lourds fruits bleus. Naël n’avait pas vu autant de verdure depuis des années. L’odeur lourde des plantes embaumait l’air. Il prit un des fruits et le mordit à pleine bouche, le goût sucré le revigora. Les arbres semblaient artificielles au milieu de cette fine couche de sable ocre qui recouvrait le sol et qui, de temps en temps, s’élevait en virevoltant dans l’air.
A cette heure, il n’était pas nécessaire de se cacher, tous les hommes devaient se trouver à la mine et tous les enfants mâles à l’école fédérale. La bienséance dictait aux femmes et aux filles de rester dans leur maison, du moins celle de leur mari. Ah ! il était bel et bien contaminé par la sorcière.
Ils suivirent le chemin de sable tassé avant d’atteindre le centre du domaine. De grands murs entourait la propriété des regards curieux, mais il n’y avait personne pour être curieux, à part Naël et sa compagne. Ils arrivèrent devant le plus haut porche de la ville, qui ne couvrait aucune porte. Il donnait sur l’entrée de la maison basse blottie derrière les murs. Naël sentit l’ancienne rebelle se tendre à côté de lui. Elle traversa le porche, il lui emboîta le pas, et tous deux suivirent le contour de la maison.
A l’arrière se trouvait un jardinet plein de fleurs et de jeux d’enfants. Une femme aux cheveux noirs relevés en chignon compliqué portait un arrosoir et semblait montrer à trois fillettes comment abreuver les plantes d’un geste ample. Une des fillettes les repéra et tira par la manche la jardinière en chef. La gronderie mourut sur les lèvres maternelles quand celle-ci tourna enfin la tête dans leur direction. Elle lâcha l’arrosoir qui se déversa sur le sol et resta plantée, bras branlants. Seules les fillettes osèrent briser l’immobilisme générale de leurs sanglots. Il était difficile de voir l’expression de la femme derrière sa voilette. Naël devina néanmoins des traits nobles, un nez, un front, une façon de se tenir, qu’elle partageait avec la duchesse.
Puis Yuka tourna le dos sans un mot à son ancienne mousse, et s’éloigna en grandes foulées. Naël la colla au plus près.
― Ne t’en vas pas, Azza.
La sorcière s’arrêta et pivota sur elle-même, mâchoire contractée. Il lui murmura :
― Faut pas traîner, Yuka.
Il surveilla l’environnement. Du coin de l’œil, il vit la traîtresse se rapprocher, mains jointes.
― Je pensais pouvoir tout recommencer, effacer mes errements, reprit la traîtresse. Le monde de l’illégalité n’était pas pour moi. J’avais tant perdu. Tu te rappelles de la théorie du retour dans le temps ? Les histoires que racontaient Mona ? Mon erreur est d’y avoir crû.
― Toutes ces mortes pour vérifier une théorie fumeuse ?
Toujours personne en vue. Naël sortit le maser de sa protection. La traîtresse était trop confiante, ça puait. La baraque devait avoir une porte de derrière pour les domestiques. C’était bien le genre de la maison.
― Ce n’était pas prévu… L’armée m’avait promise qu’il n’y aurait pas de blessés.
― Pas de blessés ? Comment as-tu pu être aussi naïve.
Ou arriveraient-ils à sauter par dessus les murs ? Avec l’adrénaline et la gravité plus faible que celle du vaisseau, c’était jouable. S’ils n’étaient pas cueillis à leur atterrissage.
― Et ça valait le coup ? La grande maison ? La baise obligatoire avec le mari ? Les filles sans rêve ?
Des larmes coulèrent sur le menton de la traîtresse. Une parfaite actrice. Elle ferait au pire une otage de première qualité. Ils verraient si son mari l’aimait vraiment.
― Je regrette tellement, Azza. Je n’ai pas voulu… ça.
Un bruit de moteur d’aéromobiles s’approcha. Déjà ? Ils ont été rapides.
― Yuka, on y va maintenant !
― Tu ne me tues pas ?
― Oh non, je ne vais pas me salir les mains pour toi. Je te souhaite une longue vie de médiocrité.
― Yuka, maintenant !
Elle se retourna enfin, enfouissant son rictus de haine Naël ne savait où, et d’un geste rapide lui intima de la suivre.
***
Azza passa le porche, Kalozka sur ses talons. Elle n’arrivait plus à penser correctement. Toutes ces souffrances pour ça ? Que Mira crevât de sa bassesse. C’était tout ce qu’elle méritait. Un aéromobile avait atterri au bout de la rue et dégueulait des hommes en bleus de travail. Elle ne leur laissait pas le temps de réagir et les arrosa copieusement d’ondes. Des corps s’effondrèrent sur le sol pendant que d’autres se réfugièrent derrière les murs d’un jardin.
Couards. Comme Mira.
Elles coururent jusqu’au véhicule. Kalozka s’installa aux commandes et tripatouilla le tableau de bord pendant qu’Azza surveillait les alentours. Le plastique était jauni par le temps. Une odeur aigre de sueur envahissait ses narines. Elle tirait régulièrement dans la direction des fuyards, espérant que cela couperait des volontés hargneuses. Si l’aéromobile avait été abîmé par les ondes, Kalozka et elle devraient parcourir à pieds la distance qui les séparait de leur navette, s’exposant aux tirs des hommes. Après des secondes interminables, des bips répondirent aux manœuvres du capitaine. Le poids sur les épaules d’Azza s’évapora. L’accélération soudaine la plaqua contre son siège. Le véhicule s’éleva dans un grand craquement.
Leurs poursuivants réapparurent et tirèrent dans leur direction. Des diodes clignotèrent en diapason avec la sonnerie stridente qui remplit le cockpit.
— Hovn’, jura Kalozka.
Azza ouvrit sa portière pour se pencher par-dessus bord. Entre les mèches virevoltantes, elle vit des biplaces jaillir et se glisser dans leur ombre, laissant derrière eux une traînée de poussière. Elle s’appliqua avant de tirer. Une embardée la fit louper son coup. Des rafales secouaient le gros appareil comme un grain de riz dans une marmite d’eau frémissante, ou peut-être était-ce les dégâts qui avaient détraqué les stabilisateurs. Elle n’avait pas le temps de faire de la finesse. Alors, elle tira dans le tas. Une onde de joie la traversa quand elle vit un des biplaces s’écraser contre un arbre.
— Ça va secouer…
Elle rentra la tête dans l’appareil juste à temps. L’aéromobile cogna contre le surface du dôme. Kalozka poussa le manche vers le haut, le véhicule déchira la paroi dans une symphonie d’alarmes.
— Tu es complètent fou, Kalozka.
Il souleva un sourcil dans sa direction :
― Tu voyais une autre méthode ?
― C’était un compliment. Nous perdons de la hauteur, non ?
― L’atterrissage va être un poil brutal. Je m’accrocherai à ta place…
Azza attrapa les poignées qui pendaient au plafond.
― Si je crève maintenant, je te jure que je te tue.
Un sourire de loup lui répondit.
Le sol se rapprocha de plus en plus vite et elles rebondirent plusieurs fois avant de s’immobiliser complètement. Azza cogna sa tête contre le montant de l’aéromobile. Le goût métallique du sang lui emplit la bouche. Elle rampa hors de véhicule en crachant de la poussière. Elle s’allongea sur le dos, des courbatures lancinantes dans les jambes.
― Kalozka ?
Pas de réponse.
― Kalozka ?
Toujours rien. Mais qu’est-ce qu’il foutait ? Elle se leva, chancelante.
― Naël ?
― Je suis là.
Azza contourna le véhicule et le trouva allongé au sol. Des gouttes de sueur traçaient des lignes sur la poussière de son visage grimaçant. Un des bras formait un angle étrange à un endroit inhabituel.
― Eh bien, pas trop déçue de ne pas avoir à me tuer ?
― Oh, ce n’est pas encore fini. Tu vas pouvoir te lever ?
― Ouais, deux secondes.
Il fixa le ciel au-dessus de la tête d’Azza avant de se lever d’un mouvement souple. Il s’épousseta de sa main valide. Yeux plissés, Azza aperçut dans la direction du dôme un nuage de poussière qui grossissait.
― Ils sont déjà là, Kalozka.
― Hovn’, ils ont été rapides ces parch’nt.
― Tu va pouvoir courir ?
― On est plus très loin du module. Puis, ce n’est pas comme si j’avais le choix.
Kalozka partit au petit trot, Azza le talonna. Il n’avait pas menti, elles rejoignirent très vite leur module.
Kalozka s’y glissa en lançant des jurons variés et mélodieux dans sa langue chantante. Azza s’installa comme elle put sur les genoux inconfortables et lança les moteurs. Aucune alerte ne remonta sur le tableau de bord. Elle lança la manœuvre de décollage en surveillant du coin de l’œil les silhouettes des biplaces qui rapetissaient. Le module traversa enfin les dernières couches de l’atmosphère de la planète.
L’adrénaline ne la quittait pourtant pas. Tout était d’une précision chirurgicale. Les couleurs criardes des diodes, les courbatures dans ses membres, la poussière qui avait pénétré dans tous les recoins de ses vêtements, la sueur qui collait son uniforme contre son dos, le souffle chaud de Kalozka sur sa nuque, les papillons frémissant dans ses seins et son bas ventre.
Elle sourit béatement aux étoiles. Elle ne s’était pas sentie aussi vivante depuis des années.
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