Destins piégés est un recueil de nouvelles écrites par Goliarda Sapizenza entre les 1950 et 1960.
Il a été publié, comme la plupart de ses œuvres, après la mort de l’autrice par son compagnon et, à chaque fois, je me demande pourquoi tel texte a été publié plutôt qu’un autre et pourquoi. Ce travail d’édition n’est pas anodin quand celui qui le fait est le compagnon de l’autrice et que celle-ci n’a plus son mot à dire.
Les nouvelles sont courtes, de plusieurs pages à quelques lignes. Certaines d’entre elles ressemblent à des poèmes à multiples facettes qui posent une atmosphère en peu de mots. Ce sont des histoires se déroulant dans le présent de Goliarda Sapienza, axées sur l’intériorité des narrateurices. Des morceaux de poésie, des situations ancrées en quelques mots dans la réalité, vivantes. De la mélancolie, de la mort, de la folie et de l’amour. On y croise les thèmes et les personnages qui peuplent d’autres romans/autobiographies de l’autrice. Beaucoup donne une impression d’enfermement, par soi-même mais surtout par le poids des relations sociales.
Certains textes sont durs à lire, des assassinats et des viols y sont décrits plus ou moins explicitement. L’ombre menaçante et ambivalente du personnage de l’avocat plane au dessus des mots et des violences. Forcément, on pense au père de Sapienza, grande figure de la gauche italienne, avocat des pauvres, qui est, pour reprendre les termes de la traductrice, « tombé amoureux » de deux de ses belles-filles qui avaient chacune quinze ans au moment des faits. L’inceste a d’ailleurs une place importante dans l’œuvre de Sapienza, comme dans l’Art de la Joie ou encore «Lettre ouverte » sur l’hospitalisation de sa mère.(1)
Ce recueil m’a, comme toutes les œuvres de Goliarda Sapienza, énormément touché par ses thèmes et par l’écriture juste, poétique et onirique, et où les destins piégés pourraient bien être détruits par la recherche de la liberté.
(1) Il y aurait beaucoup à dire sur les éditeurices et leur minimisation ou la mise sous silence de l’inceste et des viols décrits par l’autrice, qui s’appuie sur la vie des proches et la sienne. En quoi la description d’un viol, même plongé dans l’étrangeté par l’écriture, « ne peut pas en être ainsi » ?
Laisser un commentaire