Cette année, j’ai visité Rome. J’y étais déjà allée quand j’étais adolescente, grâce à une colonie de vacances itinérante. Au passage, merci aux CSE qui permettent à des enfants sans trop de moyens de voyager <3.
De l’expédition de l’époque, je n’en garde que des images lointaines : une fontaine devant des escaliers (probablement la Barcaccia, que j’ai longtemps prise pour la fontaine de Trévi), une queue immense devant un mur du Vatican (que l’on n’a pas visité au final), des rues pavées.
Cette fois-ci, j’avais bien l’intention de me plonger pleinement dans la ville.
Comme je l’ai déjà écrit (notamment ici), pour moi, le choix est un privilège. Depuis que je travaille en tant qu’ingénieure, je possède le luxe de choisir mes moyens de transport. Cela fait donc quelques années que j’ai décidé d’arrêter l’avion. Non pas que je l’ai pris souvent : seulement à deux reprises, une fois adulte avec une paye d’ingé. Bref, quand j’ai eu le privilège de pouvoir prendre l’avion – et donc de refuser de l’utiliser.
Un voyage en train prend du temps, qui est aussi un privilège. 8 heures au total pour aller à Rome, plus le retard d’une heure. Mais huit heures pleines et entières, à regarder les paysages, lire, écouter des podcasts.
Ces heures sont passées vite, et la fatigue était peu présente à l’arrivée.
Le prix des billets – 175 euros aller-retour par personne – n’est pas si élevé, vu la distance et le coût du même voyage en voiture (même à deux).
Et en supplément, une arrivée en plein centre-ville, à portée du métro qui nous amenait à 10 minutes de notre hébergement.
A savoir si vous êtes des vraies pisseuses comme moi, il y a très peu de toilettes publiques à Rome, même pas une par quartier. Elles sont de plus payantes (1 euro) et ferment relativement tôt, avant 20h. Prévoir de la monnaie ! Par contre, des fontaines potables sont dispersées partout en ville, très pratiques quand le thermomètre flirte avec les 35 degrés.
On m’avait vendu la présence de zone de transport limité (ZTL) en Italie. Eh bien, oui, en effet, j’ai constaté la présence de ZTL à Rome. Sauf que taxis et chauffeurs privés sont autorisés à les prendre. Quelle joie de se faire klaxonner par un taxi déboulant à toute vitesse pour déposer ses clients bourges dans leur resto bourge, blotti dans une petite et magnifique rue pavée. Et hors de ces zones, les voitures sont partout. Rome est un énorme parking, avec très peu de garages, traversée par des 3 voies à sens unique.
Mais alors, le plus beau parking que j’ai eu l’occasion de voir.
La ville est recouverte d’arbres, les balcons croulent sous les plantes vertes. Les palais à la façade colorée et décrépie bordent de petites rues mignonnettes. Chaque virage peut nous faire découvrir des ruines antiques ou du moyens age.
Les quartiers possèdent une ambiance différente les uns des autres. Les plus touristiques sont très bondés, et se sont révélés être une certaine source de stress pour moi. Mais ne faut-il pas passer pas là pour visiter le Colisée, impressionnant malgré les ravages du temps ? Cet ancêtre du stade, où était organisé spectacles et combats de gladiateurs.
Au passage, ces derniers étaient très souvent des anciens prisonniers de guerre obligés de s’entre-tuer, n’avaient aucune liberté et possédaient très peu de chance de survivre. Loin des images glorieuses que l’on nous vend sur calendriers en papier glacé.
Je conseille cependant de suivre des visites guidées pour la partie historique, si vous le pouvez. En effet, j’ai manqué de certaines clefs de compréhensions pour profiter pleinement de la visite des forums romains (des ruines de bâtiments administratifs et religieux de l’époque impériale antique).
Mon hébergement, une petite auberge avec 4 chambres et une cuisine partagée, se trouvait hors du centre-ville, proche de la très belle basilique Saint-Paul-Hors-des-Murs. Contrairement au centre touristique, ce quartier était vivant, les mamies discutaient sur les trottoirs cabossés, des adolescents mangeaient des glaces, le marché couvert était plein tous les matins. Nous étions à deux pas d’une école, d’un bar-tabac et d’un restaurant de quartier délicieux.
Oh là là ! ces penne all’arrabiatta <3 La nourriture de façon générale… une tuerie. En même temps, on mérite bien une glace à la pistache après avoir déambulait pendant huit heures ?
Mes meilleurs souvenirs bouffe : ces fameuses penne à la sauce relevée et cuite avec amour, une tarte à l’abricot dévorée au bord du Tibre, qui était une spécialité d’une toute petite pâtisserie juive, des pizza à la découpe en terrasse dans le quartier des Monti et un petit gâteau fourrée à la crème de pistache mangé dans un parc perdu et aux chemins bordés de statue antique. Bien éloignés des tacos à la Française…
Comme il n’y a pas que la nourriture dans la vie, parlons un peu culture. Mon bâtiment préféré est le Panthéon et sa coupole deux fois millénaires (à quelques dizaines d’année près). C’est étrange, mais sa beauté symétrique et simple m’a émue à en avoir les larmes aux yeux. De nombreuses basiliques sont magnifiques : mosaïques dorées du XIIème siècle, pavement coloré au sol… Les tableaux du Caravage et de Rafael m’ont aussi touché, tout comme certaines œuvres d’art : la statue Laocoon et les mosaïques antiques exposés au Musée du Vatican. Ce qui est bien à Rome, c’est qu’un certain nombre de chefs d’œuvre sont exposés dans des églises où l’entrée est gratuite, ce qui permet de ne pas se ruiner en musée.
J’ai été par contre étonnée par l’absence de commémorations des crimes du fascisme, comme des plaques de rue. L’architecture de certains bâtiments nous rappelle bien l’existence de ces années noires, mais peu d’explications sont données, même pas au pied du balcon où Mussolini haranguait les foules ni dans le quartier de l’Exposition Universel dont quasi tout l’ensemble date de cette époque. Comme si on voulait effacer ce qui faisait tâche pour mettre en avant les beaux atouts de Rome : l’empire romain et la Renaissance.
Pour en revenir à la ville en elle-même, c’est assez étrange de constater un certain délabrement vu la thune que le tourisme doit faire gagner à Rome. Mais aussi, à quel point ce même tourisme semble tuer une partie de la vie de cette ville. Je fais moi aussi partie du problème, attirée par cette ville qui a des milliers d’années d’histoire derrière elles. La mafia doit probablement avoir un rôle dans l’absence de services publics et la dégradation visible de la ville. Se pose aussi la question de la gentrification : comment permettre aux moins aisé·e·s de vivre dans les conditions de vie offertes aux plus riches ?
En résumé, Rome est une ville complexe, magnifique et délabrée à la fois, où comme ailleurs, l’histoire officielle – glorieuse du point de vue des riches et puissants – ne doit pas nous faire oublier les zones d’ombre (anciennes ou non) se cachant derrière des façades ocres.
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