Illustrons mon propos par une histoire qui, comme beaucoup d’histoires, a sa part de réalité.
Il était une fois…
Il était une fois une intersection compliquée. Un camionneur au GPS affolé a oublié de tourner ! Sous le stress du chronomètre qui continue d’avancer, il enclenche une marche arrière. Mais, des cyclistes et automobilistes pressés filent de tous côtés, car elles aussi possèdent un chronomètre au tic-tac entêtant.
Le pauvre camionneur sort de sa cabine, gueule sur les inconscients en s’arrachant les cheveux, remonte dans sa cabine, redémarre… et arrête de nouveau son véhicule car le flot de véhicules a aussitôt repris. Il ressort, re-gueule sur les inconscientes en s’arrachant les cheveux, re-remonte dans sa cabine, re-redémarre…
Au bout de dix minutes et moult descentes de cabine, gueulantes et redémarrages, le camionneur finit sa marche arrière sans renverser personne et tourne sur la route tant rêvée.
Bref, tout est bien qui finit bien.
(Une vidéo aurait été probablement plus parlante, mais ce jour-là ma caméra était à plat. Je compense comme je peux…)
La morale de cette histoire ?
J’en vois au moins deux :
- Des gens préfèrent réaliser des manœuvres dangereuses plutôt que d’arriver en retard
- Des gens préfèrent se jeter sous les roues d’un camion plutôt que d’arriver en retard
A part ça, tout va bien dans le monde merveilleux du travail.
Oui, les poids lourds sont dangereux en ville, et rien ne vaut quelques chiffres pour appuyer mes dires.
Des chiffres
Les seules statistiques que j’ai trouvées concernant les circonstances des accidents en vélo date de 2011. Il s’agit de chiffres l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière. Ces chiffres datent de neuf années et n’ont pas été réactualisés depuis, malgré la hausse de mortalité entre 2011 (142 morts) et 2019 (187 mortes).
J’espère que le boum bicycliste de cette année permettra de mesurer l’importance de mieux comprendre les causes des accidents et de sortir du poncif « Oui, mais les cyclistes grillent les feux rouges ».
Et donc ?
Ce qui ressort de ces chiffres, c’est qu’en agglomération, 65 % des accidents mortels ont lieu dans une intersection. Parmi ces accidents mortels, plus de la moitié sont liés à un véhicule de gros gabarit (poids lourd, bus, véhicule utilitaire…).
Ainsi, le poids lourd est bien un prédateur naturel de la cycliste en ville.
Aparté : 60 % des accidents mortels ont lieu hors agglomération et de jour. Le scénario type est que l’automobiliste heurte par derrière le cycliste. De plus, en 2011, sur 147 accidents mortels impliquant une cycliste, 151 personnes sont décédées dont 144 cyclistes. On est bien loin des méchants cyclistes urbains tueurs (et mangeurs) d’enfants.
En fait, les véhicules de gros gabarits ont énormément d’angles morts :
Ce qui implique que :
- Si je roule à côté d’un camion, la conductrice ne me voit pas
- Si je suis arrêtée juste devant un camion, le conducteur ne me voit pas
- Si je passe derrière un camion, la conductrice ne me voit pas
Bon, nous pourrions nous demander pourquoi les poids lourds sont encore autorisés en ville et pour quelles raisons il n’y a toujours pas de radars ou autres caméras sur ce type de véhicules pour limiter les angles morts. Mais ça, c’est une autre histoire…
Que faire ?
Une alarme s’allume à chaque fois que je sens la présence d’un poids lourd dans mon dos. Alors, mon cerveau se met en mode survie et j’essaie au mieux de suivre les bonne pratiques suivantes :
- J’évite le plus possible de remonter par la droite un camion
- Je conserve une distance de sécurité avec le camion (deux mètres voire plus…), que je roule ou que je sois à l’arrêt
- Je ne passe pas derrière un camion qui manœuvre
- Je ne double pas un camion qui change de direction
- Je ne m’arrête pas au niveau des rétroviseurs d’un camion
Conclusion
Pédaler en ville n’est pas aussi dangereux que l’on veut nous faire croire, en comparaison avec la conduite de voiture ou de deux roues motorisées par exemple. Cependant, certaines situations sont particulièrement à risque. Un duel avec un camion en est une.
Mieux vaut perdre deux minutes et se mettre en sécurité que d’essayer d’imposer son droit à un poids lourd (à tort ou à raison, ce n’est pas la question).
Le prix n’en vaut certainement pas la chandelle.
Sources/Pour aller plus loin :
- « Analyse de l’accidentalité des cyclistes – 2011, Base VOIESUR », par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière
- « Visibilité en présence d’un véhicule lourd » , par la société de l’assurance automobile du Québec
- « Vélos, bus, camions, cohabitons ! » par la Fédération des Usagèr·e·s de la Bicyclette
- « L’angle mort des poids lourds – L’un des 3 conseils incontournables de LVV » par l’association La Ville à Vélo
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